Les plantes génétiquement modifiées (PGM / OGM) conçues pour produire des toxines issues de Bacillus thuringiensis (Bt) sont cultivées à grande échelle depuis les années 1990 afin de lutter contre les insectes ravageurs tout en réduisant l’usage d’insecticides chimiques. Elles concernent notamment le maïs Bt ou le coton Bt. Cependant, l’apparition de résistances chez les ravageurs ciblés, de plus en plus fréquente, remet en question l’efficacité à long terme de cette technologie.
Publiée en 2023, une synthèse portant sur 25 ans de données mondiales montre que, parmi 24 espèces de ravageurs étudiées, 26 cas de résistance confirmée aux cultures Bt et 17 signaux précoces de baisse de susceptibilité ont été recensés, même si certaines espèces restent encore sensibles (Tabashnik et al., 2023). Les auteurs soulignent que des stratégies telles que la mise en place de refuges de plantes non-Bt ou le recours à de nouvelles approches, comme la combinaison des toxines Bt avec l’interférence par ARN (ARNi), pourraient ralentir l’évolution des résistances. Toutefois, de l’aveu même des chercheurs, ces technologies ARNi ne constituent pas une solution miracle et pourraient, à leur tour, induire des phénomènes de résistance chez les insectes (Meunier, 2024, Inf'OGM), notamment via des modifications de l’absorption de l’ARN ou de l’ARNi chez les insectes.
Aux États-Unis, dans la Corn Belt, la généralisation du maïs Bt ciblant la chrysomèle des racines (Diabrotica virgifera virgifera) illustre concrètement ces limites. Des données accumulées sur plus d’une décennie montrent que les populations de ravageurs ont progressivement développé une résistance, réduisant l’efficacité des semences Bt et entraînant des pertes économiques significatives pour les agriculteurs. Les chercheurs avertissent qu’une gestion non durable de ces cultures pourrait conduire à une obsolescence rapide des traits transgéniques actuellement disponibles (Ye et al., 2025, Science, Foucart, 2025, Le Monde).
Parallèlement, les analyses économiques et de politiques publiques montrent que les défaillances de marché jouent un rôle clé dans l’accélération de la résistance aux pesticides. Les choix des agriculteurs, souvent guidés par les coûts immédiats plutôt que par la durabilité, favorisent l’émergence de populations résistantes. Cela suggère que des interventions réglementaires et des incitations économiques sont nécessaires pour préserver l’efficacité des outils de protection des cultures (Brown et Reisig, 2025, Science).
Si ces études documentent l’émergence de résistances chez les ravageurs, elles interrogent rarement le choix même des plantes transgéniques insecticides. La majorité des études se concentre sur l’optimisation technique des dispositifs (refuges, nouvelles toxines, ARNi), sans vraiment remettre en cause le modèle agricole fondé sur l’exposition continue et généralisée des insectes à des toxines produites par la plante elle-même.
Comme le souligne Info’OGM (Meunier, 2024), cette approche tend à considérer la résistance comme un simple problème technique à corriger, alors qu’elle peut être interprétée comme une conséquence structurelle d’un système agricole intensif reposant sur des monocultures et une pression de sélection permanente.
Cette vision est également cohérente avec les constats faits aux États-Unis, où la généralisation du maïs Bt dans la Corn Belt a favorisé l’apparition de résistances chez la chrysomèle des racines et ce, malgré l’introduction régulière de nouvelles variétés de maïs Bt combinant plusieurs gènes de toxines et censées être plus efficaces. Ces résultats suggèrent donc que la résistance n’est pas une anomalie ponctuelle, mais un phénomène prévisible dans un système reposant sur l’usage massif et prolongé de plantes insecticides (Ye et al., 2025, Science).
Références
Brown, Z. & Reisig, D. (2025). Assessing market failures driving pesticide resistance. Science, 387(6737), 930-932. https://www.science.org/doi/10.1126/science.adv4313
Tabashnik, B. E., Fabrick, J. A., & Carrière, Y. (2023). Global Patterns of Insect Resistance to Transgenic Bt Crops: The First 25 Years. Journal of Economic Entomology, 116(2), 297-309. https://academic.oup.com/jee/article/116/2/297/6968925
Foucart, S. (2025, 27 février). Aux États-Unis, l’usage généralisé de maïs OGM insecticides nourrit la résistance des ravageurs. Le Monde.
Meunier, E. (2024). 25 ans plus tard, les OGM insecticides face à la résistance des insectes. Inf'OGM. https://infogm.org/25-ans-plus-tard-les-ogm-insecticides-face-a-la-resistance-des-insectes/
Meunier, E. (2024). ARN interférents et OGM : une nouvelle fuite en avant face aux résistances des ravageurs ? Inf’OGM.
Ye, X., et al. (2025). Assessing market failures driving pesticide resistance. Science, 387(6737), 930-932. https://doi.org/10.1126/science.adv4313
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