lundi 19 décembre 2005

Pesticides, agriculture et environnement : changer de modèle agricole pour une "production intégrée" (INRA-Cemagref)

En assurant depuis plus de 60 ans de hauts rendements agricoles, les pesticides chimiques ont permis le développement d'une agriculture intensive et productiviste. Le système agro-industriel français, tourné vers la productivité, est le 3ème consommateur mondial de pesticides.

Selon les données de l'UIPP publiées en 2004:
  • Vente de pesticides en France en 2004 : 75120 tonnes de pesticides
    • dont 57300 tonnes de pesticides chimiques (environ 76%)
  • soit environ 5kg/hectare cultivé/an

Cependant l'utilisation intensive de pesticides n'est pas sans conséquences néfastes sur l'environnement. Toxiques et persistants, ils sont devenus aujourd'hui une source importante de perturbation des écosystèmes et leurs résidus dans l'eau et les aliments menacent aussi la santé humaine. Leur emploi répété sur de grandes surfaces conduit aussi rapidement au développement de populations de bio-agresseurs (adventices, insectes ravageurs, champignons phytopathogènes) résistantes qu'il devient de plus en plus difficile de contrôler d'autant plus que l'agriculture intensive accroît les risques phytosanitaires. La réduction des pesticides et de leurs impacts environnementaux devient donc une nécessité d'autant plus que le contexte réglementaire européen devient de plus en plus exigeant.

Dans ce cadre, une expertise scientifique a été menée conjointement par l'INRA et l'Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement (Cemagref). Ses résultats ont été rendus public jeudi dernier, le 15 décembre, lors d'un colloque qui s'est tenu à Paris. Les auteurs de cette étude font trois constats:
  1. Une utilisation "raisonnée" des pesticides avec le maintien du système productif actuel est difficilement tenable à long terme. 
  2. Les méthodes alternatives de contrôle biologique ont montré leurs limites quant à leur efficacité ou leur facilité d'emploi. 
  3. La réduction de pesticides promise par les OGM n'a toujours pas été démontrée. 
Face à cette situation, les experts préconisent de changer le modèle agricole actuel en mettant en place un système de "production intégrée" visant à prévenir les risques phytosanitaires. Leur étude montre par exemple que l'utilisation de variétés de blé "rustiques", au rendement plus faible, permet de réduire les risques phytosanitaires et les consommations de pesticides tout en étant aussi rentables que les variétés plus productives.

La mise à profit de cette biodiversité variétale, la revalorisation de la rotation des cultures, une plus grande adaptation aux terroirs locaux combinées à une politique volontariste et incitative de réduction des pesticides à l'instar de celle menée au Danemark, sont des pistes à suivre ... (OP)
Source: INRA Presse Info (communiqué de presse)

Référence: Aubertot J.N., Barbier J.M., Carpentier A., Gril J.J., Guichard L., Lucas P., Savary S., Savini M., Voltz M. (eds), 2005, Pesticides, agriculture et environnement: réduire l'utilisation des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux, synthèse du rapport d'expertise, 68 p. [PDF] ; Résumé de l'expertise, 8 p. [PDF]

vendredi 9 décembre 2005

Des moustiques résistants au Bt

Depuis quelques années, les autorités sanitaires des grandes métropoles nord-américaines s'efforcent de contrôler les populations de moustiques urbains comme Culex pipiens qui sont les principaux vecteurs du virus du Nil occidental. Aux États-Unis, dans l'État de New-York, quatre insecticides sont utilisés couramment :
- le methoprène, un régulateur de croissance;
- la phénothrine, un pyréthrinoïde de synthèse;
- et deux bioinsecticides bactériens, soit le Bacillus sphaericus (Bs) et le Bacillus thuringiensis israelensis (Bti). 

Des chercheurs de l'Université de Cornell, à Ithaca, ont étudié la résistance à ces quatre insecticides dans deux populations de C. pipiens provenant d'Albany et de Syracuse (État de New-York). Leurs travaux révèlent de très hauts niveaux de résistance au Bti dans la population de C. pipiens de Syracuse. Toutefois, selon les auteurs, les moustiques ne se mélangent pas rapidement, ce qui conduit à des résistances très localisées. 

Référence : 
  • Paul A, Harrington LC, Zhang L, Scott JG., Insecticide resistance in Culex pipiens from New York, J Am Mosq Control Assoc. 2005 Sep;21(3):305-9 [Résumé en anglais]

lundi 28 novembre 2005

Agriculture et changements climatiques

Montréal 2005 - Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques.


Plus de 10 000 délégués en provenance de 190 pays discuteront à Montréal (Québec) jusqu'au 9 décembre, de la lutte aux changements climatiques et de la suite à donner au Protocole de Kyoto. L'occasion de rappeler que 10 à 30% des émissions de gaz à effets de serre (GES) sont dues aux activités agricoles : utilisation d'engrais azotés et de pesticides chimiques, élevages extensifs, déforestation, transformation agroalimentaire, etc. Si l'agriculture ne génère que très peu de gaz carbonique (CO2) par rapport aux autres secteurs économiques comme le transport ou l'industrie, elle produit entre 50% et 80% du protoxyde d'azote (N2O) et du méthane (CH4) provenant des activités humaines.

L'agriculture devra donc modifier considérablement ses pratiques, en particulier de gestion du sol, de l'eau et d'élevage d'autant plus que les changements climatiques pourraient avoir un effet dévastateur sur elle. Avec les prévisions de réchauffement climatique, les experts s'attendent à une augmentation importante de la sévérité et la fréquence des attaques d'insectes ravageurs et des maladies phytopathogènes aggravant les risques de perte des récolte. L'impact des changements climatiques sur les populations d'insectes sont aussi une source d'inquiétude en santé humaine et animale. Les modèles actuels prévoient en effet une recrudescence des maladies à parasitoses transmises par les insectes et les acariens hématophages (malaria, encéphalites, etc.) dans les pays tropicaux, mais aussi leur expansion dans les pays tempérés et nordiques. (OP)

Pour en savoir plus:

"Pas de Pays Sans Paysans", un film de Ève Lamont

L'agriculture industrielle pratiquée à l'échelle de la planète est actuellement en crise, y compris au Canada et au Québec :
  • utilisation massive d'intrants chimiques (engrais, pesticides de synthèse) qui menacent la santé humaine et l'environnement;
  • prolifération des plantes transgéniques sans véritable contrôle;
  • élevages industriels et méga porcheries;
  • destruction des écosystèmes et perte de la biodiversité;
  • disparition des fermes familiales;
  • etc.
"Pas de Pays Sans Paysans", le documentaire engagé de la réalisatrice québécoise Ève Lamont, dresse un sombre tableau de l'agriculture et dénonce son industrialisation, sous la pression des multinationales de l'agrochimie, au détriment de l'environnement et de la qualité de ses aliments. À travers la rencontre de différents agriculteurs et citoyens dans les campagnes du Québec, de l'Ouest canadien et de la France, Ève Lamont montre qu'il est possible et urgent de produire et de cultiver autrement. "Pas de Pays Sans Paysans'' propose une autre vision de l'agriculture, celle d'une agriculture paysanne et biologique qui respecte l'environnement, la santé et l'autonomie des paysans.

Pour en savoir plus:

mercredi 23 novembre 2005

Les mélèzes du Queyras

Les randonneurs qui se sont promenés cet été dans le Queyras (Alpes françaises) auront pu s'inquiéter de constater qu'une grande partie des mélèzes étaient bruns et perdaient leurs aiguilles. En fait, périodiquement, les forêts de mélèze du Queyras prennent cette étrange couleur brune. C'est le résultat de l'action d'un petit papillon dont les chenilles dévorent les aiguilles.

La tordeuse du Mélèze (Zeiraphera diniana Gn.) revient en moyenne tous les 8 à 10 ans et pullule pendant 2 à 3 ans. Leur présence témoigne d'un bon équilibre biologique entre l'arbre et l'insecte car la défoliation des mélèzes ne provoque pas leur mort.

En savoir plus sur la Tordeuse du mélèze (site externe)


Forêt de mélèze dans le Parc naturel régional du Queyras. Crédit: Olivier Peyronnet - juillet 2005
Essence de lumière, le mélèze (Larix decidua) est très résistant au froid et affectionne l'air sec et la lumière de haute montagne. Essence pionnière, il colonise les éboulis et les cones de déjections et d'avalanches jusqu'à une altitude de 2500m. Conifère au feuillage aérien, le mélèze est le seul conifère dont les aiguilles jaunissent et tombent en automne. D'une longévité remarquable, il peut vivre entre 300 et 500 ans


mardi 22 novembre 2005

Les dessous chimiques de la maladie hollandaise de l'orme

Le champignon responsable de la disparition des ormes joue un rôle actif dans la propagation de la maladie en attirant des insectes. En fait, lorsqu'il envahit les vaisseaux de l'arbre, le champignon Ophiostoma novo-ulmi déclenche la production de composés chimiques, soit un monoterpène et de trois sesquiterpènes, des phéromones qui attirent spécifiquement une espèce de coléoptère xylophage, le scolyte de l'orme, Hylurgopinus rufipes.

Les scolytes sont de petits coléoptères qui vivent sous l'écorce des arbres et dont les larves se nourrissent du bois en creusant des galeries, affaiblissant gravement les ormes déjà infectés par le champignon. Très mobiles, les scolytes adultes, qui se chargent de spores sur leur carapace, vont alors disséminer le champignon sur les arbres sains. Le champignon "manipule" donc son hôte pour attirer les scolytes, une stratégie qui lui permet d'augmenter la probabilité d'être transporté sur de nouveaux hôtes.
  

La maladie hollandaise de l'orme, connue aussi sous le nom de graphiose est responsable de la quasi-disparition des ormes de l'hémisphère Nord. D'origine asiatique, la maladie hollandaise de l'orme est apparue en 1919 pour la première fois aux Pays-Bas, d'où son nom. Puis, elle s'est développée dans nord de la France et dans toute l'Europe. Son introduction en Amérique du Nord en 1928 a provoqué de très graves dégâts sur l'orme d'Amérique (Ulmus americana L.). Dans la vallée du Saint-Laurent, seuls quelques spécimens d'orme indigènes ont survécu.

Pour en savoir plus:

vendredi 28 octobre 2005

OGM: Une plante sauvage devenue résistante aux herbicides

Les experts pro OGM prétendaient qu'une hybridation entre une plante transgénique et une plante sauvage était impossible. Pourtant, The Guardian, rapporte qu'une telle hybridation se serait produite dans des essais menés au Royaume-Uni. Selon le quotidien britannique qui cite des chercheurs du Centre d'écologie et d'hydrologie de Dorset, des gènes d'une version génétiquement modifiée du colza se seraient en effet mêlés à une plante sauvage voisine pour créer une nouvelle plante hybride résistante aux herbicides.
Source : Agence Science-Presse

Les effets de la terre de diatomées et les extraits de pois sur les insectes de denrées stockées

Les insectes des denrées stockées posent de nombreux problèmes dans les silos à grains, les moulins à farine et les usines de transformation alimentaire. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), 5 à 10% des céréales sont perdus au cours de leur entreposage.
La protection des grains et des denrées stockées se fait par des moyens physiques comme l'aération de silos, et par l'utilisation de nombreux insecticides de synthèse dont certains sont dangereux pour la santé humaine. La résistance des insectes des denrée stockées aux insecticides et la contamination des aliments par des résidus d'insecticides ont poussé les chercheurs à s'intéresser à d'autres types d'insecticides moins toxiques.
Au cours du congrès de la Société d'entomologie du Québec (SEQ), qui s'est tenu cette année à Orford (Cantons de l'Est), Paul Fields du Centre de recherche sur les céréales à Saskatoon (Agriculture et Agroalimentaire Canada) a présenté deux alternatives aux insecticides de synthèse prometteuses:
  1. Constituée des coques de silice d'algues unicellulaires, la terre de diatomées est une poudre très fine qui absorbe la cire de la cuticule des insectes provoquant leur déshydratation;
  2. Les extraits de farine de pois contiennent de petits peptides, des saponines et des lysolecithines qui ont des effets toxiques et antiappétents pour les insectes de denrée stockées sans affecter leurs parasites. 
Pour en savoir plus:

  • Société d'entomologie du Québec, Paul Fields, Wes Taylor et Xingwei Hou. Travail dans la noirceur : Les effets de la terre de diatomées et les extraits de pois sur les insectes de denrées stockées. 132ème réunion annuelle de la Société d'entomologie du Québec, Orford (Québec), 28 octobre 2005 [Résumé]


  • Enhancement of protein-rich pea flour against stored-product insects and its affect on the insect midgut (ARDI, Agri-Food Research and Development Initiative, Manitoba)
  • vendredi 16 septembre 2005

    Le scandale du Némagon

    Le 1,2-dibromo-3-chloropropane (DBCP), commercialisé par Dow Chemical sous la marque Nemagon, a été massivement employé au cours des années 1960-1980 dans les bananeraies d’Amérique Centrale et d’Afrique de l’Ouest pour lutter contre le nématode du bananier.

    Très toxique, ce nématicide a causé des milliers de victimes de maladies incurables (cancers, cécité, dermatoses, infertilité, malformations congénitales) parmi les travailleurs agricoles, dépourvus de toute protection, et leur famille. Au Nicaragua, plus de 20000 personnes en ont été victimes. Les procès qui s’en suivirent ont mis en évidence la complicité entre les compagnies bananières et les compagnies agrochimiques pour cacher la toxicité du Nemagon aux travailleurs agricoles.

    Pour en savoir plus :

    vendredi 4 mars 2005

    Des associations se mobilisent contre l'irradiation des aliments en France

    Un collectif regroupant diverses associations comme Les Amis de la Terre, Attac, La Confédération paysanne ou Nature et progrès organise, samedi 5 mars, des manifestations devant sept usines qui pratiquent l'ionisation de certains produits alimentaires. La question de l'innocuité de cette technique de stérilisation suscite une polémique dans le milieu scientifique.

    Qu'est ce que l'irradiation des aliments?
    L'irradiation ou ionisation des aliments est un procédé de conservation des produits alimentaires frais ou transformées qui consiste à les bombarder avec des rayons gamma, issus du Cobalt 60 ou du Césium 13, afin de:
    1. réduire le nombre de micro-organismes et d'agents pathogènes (Listeria spp, salmonelles, etc.);
    2. inhiber la germination des bulbes et des tubercules;
    3. détruire les insectes et les parasites;
    4. et retarder l'altération des aliments.
    L'irradiation des aliments en France et dans le monde
    Elle se pratique en France et dans le monde depuis plusieurs années, parfois frauduleusement et, le plus souvent, dans l'ignorance totale des producteurs et des consommateurs. Très utilisée aux État-Unis, cette technique se développe aussi dans de nombreux pays du Sud. En France, l'ionisation est autorisée pour les herbes aromatiques, les oignons, l'ail et les échalotes, la gomme arabique, les viandes de volaille, les légumes, les fruits secs, les abats de volaille, les cuisses de grenouille et les crevettes. L'indication "traité par ionisation" doit être clairement affichée sur les emballages des produits irradiés.

    Depuis 2003, le Codex alimentarius, une instance crée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l'Organisation des Nations-Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), a rendu en juillet 2003 un avis favorable à l'ionisation. À présent, tout pays refusant la commercialisation des aliments irradiés pourrait donc être attaqué devant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

    Les craintes suscitées par l'irradiation des aliments
    Selon Morgan Ody, membre de la Confédération paysanne, cette technologie de conservation des aliments représente de véritables menaces, tant pour l'économie paysanne que pour la santé et l'environnement. L'irradiation des aliments permet ainsi de surpasser les obstacles sanitaires à l'industrialisation de la production alimentaire et de dépasser toutes les barrières naturelles à la délocalisation des productions, ce qui met en péril les économies locales et l'environnement.

    De plus, certaines études scientifiques, réalisées ces dernières années en France et en Allemagne, soulignent le risque toxicologique d'un tel procédé. En effet, l'ionisation des aliments contenant des matières grasses produit des molécules appelées 2-alkylcyclobutanone (2-acb), qui sont toxiques tant pour les bactéries que pour les cellules humaines et qui stimulent les tumeurs cancéreuses de rats. Selon Dominique Burnouf, de l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS) de Strasbourg, il s'agit d'études in-vitro en laboratoire qu'il est difficile d'extrapoler à l'homme. Il faudrait donc poursuivre d'autres recherches, mais les financements nécessaires manquent.

    Enfin, l'ionisation des aliments détruit les vitamines et altère leurs qualités nutritives tout en préservant leur apparence durant des semaines. Les aliments sains ont-ils réellement besoin d'être irradiés?

    Pour en savoir plus:
    • Morgan Ody, Mon assiette sous rayon X. Campagnes Solidaires No 191 Décembre 2004, p.12
    • Delincée, H. and Pool-Zobel, B., 1998. Genotoxic properties of 2-dodecyclobutanone, a compound formed on irradiation of food containing fat. Radiation Physics and Chemistry, 52:39-42 
    • Raul F, Gosse F, Delincee H, Hartwig A, Marchioni E, Miesch M, Werner D, Burnouf D., 2002. Food-borne radiolytic compounds (2-alkylcyclobutanones) may promote experimental colon carcinogenesis. Nutr Cancer. 2002;44(2):189-91 [Résumé en anglais]

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