Champignons

Distincts des plantes et des animaux, les champignons, appelés aussi Fungi ou anciennement Mycètes (Mycota, du grec mykès, champignon), forment un monde à part, souvent méconnu mais essentiel à la vie sur Terre. Leur diversité morphologique et fonctionnelle est impressionnante : des levures microscopiques aux majestueux cèpes et amanites des forêts, des moisissures sur le pain aux parasites des plantes cultivées ou des animaux. Hétérotrophes, ils tirent leur énergie de la matière organique qui les entoure et participent activement aux écosystèmes et cycles écologiques. Leur étude révèle des interactions complexes avec les autres formes de vie et une importance majeure pour les écosystèmes comme pour l’humanité.

Diversité du monde fongique: 1. Champignons à chapeau (amanite, bolet, etc.); 2. Moisissure blanche (Mucor sp. ou Rhizopus sp.); 3. Spores de Penicillium sp.; 4. Levures Saccharomyces cerevisiae. Source: illustration originale réalisé avec assistance de ChatGPT / OpenAI 

 

Morphologie 

Les champignons présentent une organisation très différente de celle des plantes ou des animaux. Leur corps, appelé thalle, forme un appareil végétatif simple, sans tissus différenciés, ni racines, ni tiges, ni feuilles, ni organes. Le thalle peut être unicellulaire, comme chez les levures, ou le plus souvent pluricellulaire, formé d’un réseau de fins filaments ramifiés : le mycélium. Ces filaments, appelés hyphes, sont de véritables tubes microscopiques qui sont le plus souvent enfouis dans le substrat et croissent à leur extrémité. Selon les espèces, ils peuvent être soit cloisonnés par des parois transversales soit siphonnés (cénocytes ou siphons), c'est à dire dépourvus de paroi transversale, ce qui permet au cytoplasme et aux noyaux de circuler librement
Les champignons parasites intracellulaires (endoparasites) ou mycorhiziens (associés à des racines des plantes) possèdent en outre des hyphes spécialisés, appelés suçoirs ou haustoria, qui pénètrent à l'intérieur des cellules hôtes afin d'en extraire les nutriments.
 
Toutes les cellules fongiques sont eucaryotes, c’est-à-dire qu’elles possèdent un noyau bien défini.
Elles se distinguent notamment par :

  • une membrane cellulaire riche en ergostérol;
  • une paroi cellulaire rigide contenant de la chitine (un polysaccharide azoté), le même matériau que celui qui compose la cuticule des insectes et la carapace des crustacés;
  • et une réserve d’énergie stockée sous forme de glycogène, comme chez les animaux.

Dans le langage courant, le mot « champignon » désigne bien souvent le sporophore (ou carpophore) : la partie visible, en forme de chapeau, qui pousse à la surface du sol. Pourtant, ce n’est que l’organe reproducteur du champignon ! La plus grande partie de l’organisme, le mycélium, reste cachée enfouie dans le sol, le bois ou la matière en décomposition, où elle absorbe les nutriments nécessaires à sa croissance.

Outre les champignons à pied et chapeau que l’on trouve dans les forêts, comme les cèpes ou les bolets, la plupart des champignons sont microscopiques, sous forme de levures ou de moisissures.

Modes de nutrition

Les champignons sont des organismes eucaryotes hétérotrophes, (c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas fabriquer leur propre nourriture) qui se nourrissent par absorption de la matière organique qui les entoure. Contrairement aux animaux qui ingèrent leur nourriture, ils doivent absorber les nutriments à partir de matière organique présente dans leur environnement. Pour ce faire, la plupart secrètent de puissants enzymes digestifs qui assurent une décomposition de la matière organique à l'extérieur de leurs  cellules (digestion extracellulaire).

Contrairement aux plantes, ils ne possèdent pas de chlorophylle et ne peuvent donc pas réaliser la photosynthèse. Ils dépendent donc de la matière organique produites par d'autres organismes vivants.

Les champignons ont des modes de nutrition très variés:

  • La plupart sont des saprophytes qui se nourrissent de matières organiques en décomposition (feuilles mortes, bois pourris, cadavres d'animaux, excréments, etc.) contribuant ainsi au recyclage des nutriments.
  • De nombreuses espèces sont des parasites intracellulaires ou extracellulaires qui vivent au dépends d'autres organismes vivants comme des plantes, des animaux, des protistes et d'autres champignons en leur nuisant. Certains provoquent ainsi des maladies chez des plantes comme la rouille du blé ou le mildiou de la vigne et chez des animaux comme les candidoses ou mycoses.
  •  D'autres établissent des associations symbiotiques ou mutualistes (symbioses) avec d'autres organismes: 
    • Avec des algues ou des cyanobactéries, ils forment les lichens, où le partenaire photosynthétique fournit des sucres et le champignon offre protection et humidité.
    • Avec les racines des plantes, ils forment des mycorhizes, qui améliorent l’absorption d’eau et de minéraux en échange de sucres.
    • Certains entretiennent aussi des relations mutuellement bénéfiques avec des animaux (fourmis, termites, coléoptères, etc.).
    • De nombreuses espèces endophytes vivent à l’intérieur des feuilles et des tiges et produisent des substances qui protègent la plante contre les insectes herbivores.


Reproduction

La reproduction des champignons est relativement complexe et implique différents types de spores, sexuées ou asexuées, qui sont généralement non flagellées et, plus rarement, uniflagellées. Selon les espèces, elles peuvent résister à des conditions extrêmes et être disséminées dans l’environnement par le vent, l’eau, les animaux, ou même grâce à des mécanismes de projection actifs.

Ces spores sont produites en très grande quantité à l’intérieur de structures spécialisées, appelées fructifications. Celles-ci, visibles parfois à l’œil nu ou seulement au microscope, permettent aux mycologues et spécialistes d’identifier les espèces grâce à leurs formes et à leurs caractéristiques uniques.

Chez la plupart des espèces, la reproduction asexuée est prédominante et particulièrement prolifique. Très efficace, elle permet une prolifération rapide grâce à des spores souvent produites en très grande quantité, comme les conidies ou les sporangiospores. Elle peut aussi se produire par bourgeonnement, par exemple, chez les levures. En revanche, la reproduction sexuée est absente chez certains champignons ou encore mal connue chez d’autres.

Plus complexe, la reproduction sexuée des champignons se produit généralement entre deux hyphes haploïdes de types sexuels différents qui s’attirent mutuellement. Cette rencontre est le plus souvent initiée par la libération de substances attractives, analogues à des phéromones. La reproduction sexuée comporte trois grandes étapes: 

  • La plasmogamie : c’est la fusion des cytoplasmes de deux hyphes haploïdes de types sexuels différents, sans fusion immédiate des noyaux. Les cellules ainsi formées contiennent plusieurs noyaux haploïdes, pouvant être regroupés aléatoirement (hétérocaryons) ou appariés deux par deux (dicaryons). Chez certaines espèces, le mycélium dicaryotique ainsi formé peut persister très longtemps, voire être prédominant.
  • La caryogamie : après un délai plus ou moins long, les noyaux haploïdes s’unissent pour former des cellules diploïdes (zygotes). Cette étape marque la fécondation proprement dite.
  • La méiose : les cellules diploïdes subissent ensuite une méiose, produisant des spores haploïdes qui, en germant, donneront naissance à de nouveaux hyphes et permettront de boucler le cycle de vie.


Rôles écologiques

Les champignons jouent un rôle vital dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres et forestiers.
Souvent invisibles à l’œil nu, ils constituent une part impressionnante de la vie souterraine soit près de la moitié de la biomasse microbienne des sols!

En décomposant la matière organique morte (feuilles, bois, cadavres, excréments), les champignons libèrent les nutriments qu’elle contient (azote, phosphore, soufre, etc.). Ces nutriments sont ensuite rendus disponibles pour les plantes et les autres organismes vivants.

Les champignons contribuent activement à la formation et à la stabilité des sols. Leurs hyphes pénètrent les roches et participent à leur altération, libérant ainsi des minéraux. En se mêlant aux particules du sol, ils favorisent l’agrégation et la formation de l’humus, essentiel à la fertilité des sols. 

Les champignons mycorhiziens, associés aux racines des plantes, forment un vaste réseau souterrain appelé réseau mycorhyzien souvent surnommé le Wood Wide Web. Ils permettent aux plantes d’absorber plus efficacement l’eau et les minéraux et peuvent relier les racines de plusieurs plantes d'une même forêt, ce qui optimise les transferts d'eau ou de nutriments et favorise le développement des plantes et leur résistance aux stress biotiques. 

En recyclant la matière et en transformant les éléments chimiques, les champignons participent aux grands cycles biogéochimiques du carbone, de l’azote, du phosphore et du soufre. Ils jouent donc un rôle essentiel dans la régénération continue de la biosphère.


Importance pour les humains

En plus de ces services écosystémiques qui sont mis à profit en agriculture et en foresterie, les champignons jouent un rôle majeur pour les humains, tant sur le plan alimentaire que médical ou économique.

Ils fournissent une source directe de nourriture (champignons comestibles) et produisent de nombreuses molécules actives utilisées en médecine (antibiotiques comme la pénicilline), en agriculture (pesticides), ou dans l’industrie (enzymes).

Certaines espèces, comme les levures, sont indispensables à la fabrication du pain, du vin et de la bière, grâce à leur capacité à transformer les sucres en alcool et dioxyde de carbone (CO2) par la fermentation alcoolique.

Mais les champignons peuvent aussi représenter une menace. Ils sont parasites des plantes cultivées et de nombreux animaux, y compris les humains, causant des mycoses et des infections systémiques parfois graves. Près de 20 000 espèces sont phytopathogènes et certaines ont un impact économique majeur. On estime que les champignons et leurs proches parents fongiformes, les Oomycètes, peuvent réduire jusqu’à 25 % la production végétale mondiale, en diminuant les rendements, en dégradant la qualité des récoltes ou en produisant des toxines responsables d’intoxications alimentaires. Parmi les champignons et assimilés phytopathogènes les plus importants et dévastateurs, on peut citer la rouille du blé, la graphiose de l'orme, le mildiou de la pomme de terre. les pourritures grises, etc.

Classification et évolution

On dénombre à ce jour plus de 100 000 espèces de champignons, dont environ 20 000 sont phytopathogènes, mais les mycologues estiment que leur nombre réel pourrait être beaucoup plus élevé. Autrefois considérés comme des végétaux, les champignons constituent désormais un groupe autonome du vivant, appelé règne des Fungi, qui est phylogénétiquement plus proche des animaux que des plantes.

Les champignons sont classés en plusieurs groupes, dont les plus importants sont les Ascomycètes (champignons formant des spores dans des sacs allongés appelés asques : levures, moisissures, truffes) et les Basidiomycètes (champignons à pied et à chapeau formant des basides). Ces deux groupes appartiennent aux Dikarya, dont les hyphes cloisonnés contiennent des dicaryons (deux noyaux distincts par cellule avant la fusion nucléaire). Avec les Chytridiomycètes (ou chytrides, principalement aquatiques), les Gloméromycètes (mycorhizes arbusculaires) et les anciens Zygomycètes (regroupant diverses moisissures aujourd’hui réparties dans plusieurs groupes), ils constituent ce que l’on appelle les "vrais champignons", ou Eumycètes (Eumycota, du grec eu, vrai et mykès, champignon). 

Vue phylogénétique simplifié des Fungi

Fungi (Champignons)
├── Chytridiomycètes (aquatiques)
├── Mucoromycètes + Zoopagomycètes (moisissures, parasites)
├── Gloméromycètes (mycorhizes)
└── Dikarya
     ├── Ascomycètes (levures, truffes, moisissures)
     └── Basidiomycètes (champignons à chapeau)

D’autres organismes fongiformes ou pseudochampignons, comme les Oomycètes et les Myxomycètes, ont longtemps été considérés comme des champignons mais sont aujourd’hui classés dans d’autres lignées d’eucaryotes, bien qu’ils restent étudiés par la mycologie. Les Oomycètes sont des chromistes proches des algues brunes et des diatomées et les Myxomycètes sont des protistes amiboïdes qui forment des plasmodes visqueux. 

  • Vrais champignons (Fungi, Eumycètes)
    • Ascomycètes
    • Basidiomycètes
    • Autres groupes mineurs:  Chytridiomycètes, Gloméromycètes, anciens Zygomycètes, etc.
  • Organismes fongiformes ou pseudo-champignons
    • Oomycètes
    • Mixomycètes

La classification des champignons a beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Les analyses moléculaires ont clarifié certains liens évolutifs, mais leur phylogénie reste complexe et en partie controversée, et de nombreuses incertitudes persistent sur les relations exactes entre les différents groupes. Cette classification est régulièrement révisée en fonction des analyses moléculaires. 

 

Principaux groupes phytopathogènes

Les ascomycètes sont le groupe qui contient le plus grand nombre d'espèces phytopathogènes, responsables d'environ 70% des maladies des plantes cultivées : chancres [Nectria, Cytospora], pourritures [Botrytis, Sclérotinia], fusarioses [Fusarium], tavelures [Venturia], etc.

Les basidiomycètes sont le deuxième grand groupe de champignons phytopathogènes, notamment responsables de maladies majeures en céréaliculture et foresterie comme les les rouilles [Puccinia, Uromyces] et les charbons [Ustilago]. 

Même s'ils ne sont pas de vrais champignons, les Oomycètes rassemblent des dizaines d’espèces parasites des plantes cultivées parmi les plus dévastatrices responsables des mildious [Phytophthora, Pythium, Peronospora, Plasmopara].

Les Chytridiomycètes contiennent quelques espèces parasites d’algues ou de plantes aquatiques.


Vue phylogénétique simplifiée des principaux groupes phytopathogènes

Fungi 
├── Chytridiomycota (rares phytopathogènes)
├── Mucoromycota (très rares phytopathogènes)
├── Ascomycota  ←  🌱 majorité des pathogènes des plantes
│     ├── Dothideomycetes (Alternaria, Mycosphaerella, Venturia)
│     ├── Sordariomycetes (Fusarium, Verticillium, Colletotrichum)
│     └── Leotiomycetes (Botrytis, Sclerotinia)
└── Basidiomycota
      ├── Pucciniomycetes (Puccinia, Uromyces)
      ├── Ustilaginomycetes (Ustilago, Tilletia)
      └── Agaricomycetes (Armillaria, Heterobasidion)
  
Stramenopiles ou Heterokonta (Chromista)
└──  Oomycètes (Phytophthora, Pythium, Plasmopara)


Bases de données

Ephytia, HYPP: Encyclopédie en protection des plantes, Champignons et organismes apparentés (INRAe) http://ephytia.inra.fr/fr/C/11091/Hypp-encyclopedie-en-protection-des-plantes-Champignons-et-apparentes-Oomycota-Fungi-et-autres

Champis.net - Portail mycologique francophone. https://champis.net

MycoBank Databasewww.mycobank.org

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