mercredi 21 novembre 2007

Des OGM ciblant le génome des insectes?

Au cours des prochaines années, de nouvelles plantes transgéniques capables de cibler le génome d'insectes ravageurs pourraient voir le jour dans les laboratoires. Le 4 novembre dernier, la revue Nature Biotechnology publiait deux études qui décrivent ce à quoi pourraient bien ressembler les OGM du futur.

Ainsi, ces nouveaux OGM utiliseraient l'ARN Interférence (acides ribonucléiques doubles brins), un mécanisme qui permet de réguler l'expression de certains gènes et de réduire spécifiquement la production de protéines. Au laboratoire, ce phénomène d'interférence est aujourd'hui couramment utilisé pour inactiver certains gènes ciblés. Il pourrait l'être à des fins thérapeutiques mais aussi agricoles.

Une équipe de l'Institut des sciences biologiques de Shanghaï (Chine) a réussi à rendre les chenilles de la noctuelle de la tomate, Helicoverpa armigera, sensibles au gossypol. Ce lépidoptère, qui ravage aussi le coton, a développé une résistance au gossypol, une molécule produite naturellement par le coton et toxique pour les insectes. Après avoir identifié le gène conférant cette résistance, les chercheurs chinois ont fait exprimer l'ARN correspondant dans des plantes transgéniques, ce qui a inactivé le gène de résistance des chenilles qui se se nourrissaient sur ces végétaux.

Dans une autre étude, des chercheurs de la multinationale agrochimique Monsanto ont produit des plants de maïs transgéniques capables d'exprimer certains ARN correspondant à des gènes assurant des fonctions physiologiques essentielles à la chrysomèle des racines du maïs, Diabrotica virgifera, un de ses plus coriaces ravageurs. La production de ces ARN par les plants transgéniques ont permis ainsi de réduire les dégâts engendrés par les chenilles de chrysomèle sur les racines.

En utilisant cette nouvelle stratégie d'administration orale d'ARN interférence, les chercheurs tentent d'anticiper et de contrecarrer l'apparition inévitable de la résistance des ravageurs au protéines insecticides Bt (i.e. toxines de Bacillus thuringiensis) produites par certaines plantes transgéniques. Bien qu'elle puisse apparaître comme prometteuse, cette nouvelle approche biomoléculaire présente deux inconvénients. D'une part, certains insectes, comme le charançon du coton, Anthonomus grandis, sont déjà résistants à cette stratégie. D'autre part, celle-ci n'apporte aucune solution au problème de la dissémination éventuelle des transgènes dans la nature; elle pourrait même s'avérer néfaste pour les insectes non ciblés et les organismes herbivores qui les consomment.

Pour en savoir plus :
  • Lire l'article de Hervé Morin (LeMonde.fr, 21.11.2007)
  • Référence : Mao YB., Cai WJ., Wang JW., Hong GJ., Tao XY, Wang L J., Huang YP., Chen XY., 2007. Silencing a cotton bollworm P450 monooxygenase gene by plant-mediated RNAi impairs larval tolerance of gossypol. Nat. Biotechnol. 25(11):1307-13 [Lire le résumé en anglais]
  • Référence : Baum JA., Bogaert T., Clinton W., Heck GR., Feldmann P., Ilagan O., Johnson S., Plaetinck G., Munyikwa T., Pleau M., Vaughn T., Roberts J., 2007. Control of coleopteran insect pests through RNA interference. Nat. Biotechnol 25(11):1322-6 [Lire le résumé en anglais]

vendredi 16 novembre 2007

Après les abeilles, les bourdons sont aussi menacés

Alors que les indications d'un déclin généralisé des abeilles se multiplient à l'échelle de la planète, des entomologistes s'intéressent aussi au sort d'une autre espèce d'insecte pollinisateur, le bourdon (Bombus sp). Ainsi, Robbin Thorp, professeur d'entomologie à l'Université de Californie à Davis, s'alarme du rapide déclin du Bourdon de Franklin (Bombus franklini) sur la côte Ouest américaine. Cette espèce endémique du Nord-ouest de la Californie et du Sud-ouest de l'Oregon y était encore largement répandue il y a 5 ans. Aujourd'hui, elle pourrait disparaître complètement, avant même d'avoir été inscrite sur la liste des espèces menacées.

D'autres espèces plus communes aux États-Unis, Bombus occidendalis dans l'Ouest et Bombus impatiens dans l'Est, se font également plus rares. Contrairement aux abeilles qui ont été importées par les colons européens au 17e siècle, les bourdons sont des hyménoptères indigènes du continent nord-américain. Ils sont des pollinisateurs naturels pour de nombreuses plantes sauvages. Bien qu'ils ne produisent que très peu de miel, ils rendent aussi de grands services à l'agriculture, en pollinisant près de 15% des cultures américaines, particulièrement les cultures maraîchères sous abris (tomates, poivrons, pastèques, courges, concombres, fraises, etc.) et les petits fruits (bleuets ou myrtilles, canneberges ou airelles, framboises).

Le déclin des bourdons inquiètent donc de plus en plus d'agriculteurs et d'entomologistes, d'autant plus qu'il se produit alors même que les populations d'abeilles sont au plus mauvais point. Certains scientifiques s'inquiètent même d'un possible déclin généralisé des insectes pollinisateurs. Comme pour les abeilles, les causes sont multiples et restent encore mal connues : pesticides, maladies parasitaires, pollution, malnutrition et destruction des habitats par le développement urbain et l'agriculture intensive. Toutefois, l'utilisation accrue de ruches commerciales de bourdons dans les serres et les champs pourrait être en partie responsable du déclin en facilitant la diffusion de maladies parasitaires. Selon le professeur Thorp, l'importation de bourdons d'élevage en provenance d'Europe serait en effet responsable de la propagation d'une maladie due à une microsporidie du genre Nosema. Il a d'ailleurs constaté que les populations de bourdons sauvages ont commencé à s'amenuiser dans les années 1990, alors que des bourdons d'élevage étaient importés en grand nombre d'Europe pour polliniser les serres américaines. (Source : Jeff Barnard, Associated Press, Grants Pass Oregon)

Pour en savoir plus :

lundi 5 novembre 2007

Les coccinelles asiatiques à la conquête de la France

Après l'Amérique du Nord, la Grande-Bretagne, et la Belgique, c'est au tour de la France, particulièrement son quart Nord-Est, de connaître les invasions de la coccinelle asiatique Harmonia axyridis. Introduite en raison de sa très grande voracité dans le cadre de programmes de lutte biologique contre les pucerons, cette espèce originaire du Sud-est asiatique est en effet rapidement devenue invasive. Son expansion s'accompagne d'une disparition des espèces de coccinelles indigènes, avec lesquelles elle entre en compétition et dont elle peut aussi dévorer les larves quand la nourriture vient à lui manquer.

À l'approche de l'automne, les adultes ailés en quête d'un abris pour l'hiver se rassemblent en grand nombre (d'une centaine à plusieurs milliers) dans les habitations et les édifices. Bien que les coccinelles asiatiques ne posent pas de problèmes de santé publique, la cohabitation avec l'homme est difficile. Ainsi, ces dernières semaines, avant l'arrivée des premiers froids, les invasions de domicile se sont multipliés en Alsace, dans le Nord Pas de Calais, dans l'Est du Bassin parisien et en Champagne Ardennes. Enfin, elles peuvent aussi occasionner quelques problèmes en viticulture, lors des vendanges tardives si elles se retrouvent écrasées avec les raisins dans les pressoirs.

Si la situation actuelle n'est pas inédite, les chercheurs tentent encore de mieux comprendre le caractère invasif de la coccinelle asiatique et l'origine de son succès envahissant. Introduite par lâchers successifs dans les années 1970 aux États-Unis, elle a commencé à coloniser le territoire américain à la fin des années 1980 avant de se répandre sur l'ensemble du continent (1994 au Canada, 2001 en Argentine, etc.). Après avoir été introduite en France par l'INRA en 1982 pour des expérimentations, elle a été largement commercialisée comme biopesticide en horticulture et jardinage par la société Biotop entre 1995 et 2000. Pour éviter sa dissémination, Biotop a récemment commercialisé une souche sélectionnée incapable de voler (Voir nouvelle du 11.05.06 : "Les coccinelles, des pesticides naturels"). Mais en raison du caractère récessif de cette mutation, les croisements éventuels avec la souche sauvage n'empêcheront pas une partie de leur descendance de voler et de proliférer.

Le naturaliste Vincent Ternois, coordonnateur de l'Observatoire pour le suivi de la coccinelle asiatique en France, croît d'ailleurs qu'il est trop tard et que plus rien ne pourra arrêter l'expansion de la coccinelle asiatique. Toutefois,  en Amérique du Nord, où elle n'avait aucun ennemi naturel à son arrivée, certains insectes parasitoïdes, comme la larve du Diptère Strongygaster triangulifera, commencent à profiter de sa présence et pourrait donc contribuer à réguler sa population. (Source : AFP)


Panoplie de couleur des coccinelles asiatiques ( Harmonia axyridis)
Attribution: ©entomart, source: http://www.entomart.be/INS-0038.html
La coccinelle asiatique Harmonia axyridis présente une très grande variabilité de couleur entre individus d'où son nom anglais "Multicolored asian lady beetle". Aux États-Unis, elle porte aussi le nom de "Halloween lady beetle" à cause de ses couleurs élytrales et parce qu'elle est abondante dans les habitations en cette période de l'année.

Pour en savoir plus :

jeudi 1 novembre 2007

Premier bioinsecticide viral au Canada

Le Carpocapse des pommes (Cydia pomonella) est un papillon dont les chenilles frugivores s'attaquent non seulement aux pommes, mais aussi aux poires, pêches, prunes, noisettes et noix de Grenoble. De fait, c'est un redoutable ravageur des cultures fruitières au Québec. Il y a une dizaine d'années, l'entomologiste Charles Vincent et son équipe du Centre de recherche en horticulture de Saint-Jean sur Richelieu (Agriculture et Agroalimentaire Canada) identifiait dans les vergers du Québec un virus entomopathogène spécifique du Carpocapse des pommes. Ce virus à granulose, dénomé CpGV (pour Cydia pomonella Granulovirus), est un baculovirus qui infecte uniquement les chenilles du Carpocapse tout en étant totalement inoffensif pour les insectes bénéfiques et les humains. Il possède en outre une durée de vie très courte, ce qui limite considérablement sa prolifération dans l'environnement.

"Cydia pomonella (Falter)". Licensed under Public domain via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cydia_pomonella_(Falter).jpg#mediaviewer/Fichier:Cydia_pomonella_(Falter).jpg.
Grâce à un nouveau procédé de production plus performant permettant de sélectionner les souches de CpGV les plus efficaces et sans modifications génétiques, la société gaspésienne BioTepp a développé quelques années plus tard un insecticide biologique à base de ce granulovirus indigène, le Virosoft Cp4. Premier insecticide viral à être homologué contre un insecte ravageur agricole au Canada, le Virosoft Cp4 connaît un certains succès aux États-unis, où il est utilisé à grande échelle dans les plantations fruitières des états de Washington et du Michigan. Au Canada, dans la vallée de l'Okanagan, une région de Colombie-Britannique réputée pour ses vergers et ses cultures fruitières, les producteurs ont plutôt choisi, avec l'aide du gouvernement fédéral, la stérilisation des mâles comme procédé pour combattre le carpocapse. Néanmoins, parfaitement adapté aux conditions nord-américaines, ce bioinsecticide viral devrait s'avérer très utile dans les vergers biologiques du Québec et de l'Ontario, où les pesticides chimiques sont bannis.

D'autres bioinsectides à base de baculovirus naturels sont en cours de développement pour contrôler divers ravageurs horticoles et agricoles comme la tordeuse à bande oblique (Choristoneura rosaceana) ou la fausse arpenteuse du chou (Trichoplusia ni). En foresterie, des insecticides viraux sont aussi utilisés contre la spongieuse (Lymnantria dispar), mais ceux-ci sont généralement préparés à partir de virus modifiés génétiquement.


Pour en savoir plus :
  • Lire l'article de Gervais T. dans Québec Science : "Haro sur les parasites de la pomme", Québec Science 46 (2) p. 8-9, octobre 2007.
  • Consulter le site de BioTepp : http://www.biotepp.com/

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...