Fongicides

Les fongicides sont surtout utilisés en agriculture pour détruire ou prévenir les champignons (Fungi) et les organismes assimilés ou pseudochampignons (Oomycètes) qui causent des maladies aux plantes :
  • Ascomycètes (Fungi) responsables des fusarioses, des oïdiums (blancs), des pyricularioses, des septorioses, des tavelures, des pourritures et des moisissures
  • Basidiomycètes (Fungi) responsables des charbons, des rouilles, des caries et des pourridiés
  • Oomycètes (Straménopiles) responsables des mildious, des fontes de semis et des rouilles blanches
Certains d'entre eux peuvent aussi avoir des effets bactéricides contre des bactéries phytopathogènes. Enfin, divers molécules élicitrices ou éliciteurs stimulent les défenses naturelles des plantes contre les champignons et bactéries phytopathogènes.  

Les fongicides représentent environ le quart du marché mondial des pesticides. Ils sont particulièrement employés en viticulture, où ils représentent près de 80 % des pesticides utilisés, et en céréaliculture. On les emploie aussi dans divers biocides à usage domestique ou industriel contre les moisissures pour préserver le bois, la pâte à papier, les fibres textiles, les matériaux polymérisés, etc.

Selon leur origine chimique, on distingue les fongicides organiques de synthèse (les plus nombreux et les plus utilisés), les fongicides minéraux (les plus anciens) et les fongicides organiques naturels (encore peu exploités mais en cours de développement).

Apparus dans les années 1950, les fongicides organiques de synthèse regroupent une grande diversité de molécules (Alan Wood, Compendium of Pesticide Common Names - Fungicides). Il en existe plusieurs dizaines de familles chimiques qui diffèrent par leur mode d’action et leur mode de pénétration dans la plante.

Selon le mode de pénétration dans la plante, on distingue deux grands types de fongicides :
  • Les fongicides de contact forment en surface de la plante une barrière protectrice et préviennent le développement des champignons en inhibant leur croissance ou la germination des spores.
  • Les fongicides systémiques pénètrent et diffusent dans toute la plante afin de détruire les champignons ou de bloquer leur propagation; Leur action est généralement curative, mais ils peuvent aussi être appliqués à titre préventif par enrobage des semences.

Le mode d’action des fongicides est très varié et on recense une dizaine de sites d’action comme la respiration mitochondriale, la division cellulaire (mitose) ou encore la biosynthèse des stérols. On distingue habituellement les fongicides qui ciblent spécifiquement un seul site (fongicides «unisites») et les fongicides qui affectent plusieurs sites (fongicides «multisites»). Les premiers sont généralement systémiques et curatifs et plus sélectifs que les fongicides multisites, mais induisent plus souvent des résistances chez les champignons phytotopathogènes.

Les fongicides sont généralement moins toxiques pour l’homme que les insecticides et les herbicides et ont un large spectre d’action.

Classification des fongicides selon leur mode d'action

Fongicides de contact à action préventive
Fongicides multisites
Dithiocarbamates
Fongicides minéraux (soufre, sulfate de cuivre)
Inhibiteurs de la respiration mitochondriale
Strobilurines,                 

Fongicides systémiques à action curative
Inhibiteurs de la division cellulaire – mitose (microtubules)
Benzimidazoles
Phénylcarbamates
Inhibiteurs de la biosynthèse des stérols (IBS)
Imidazoles
Triazoles
Pyrimidines
Inhibiteurs de la biosynthèse des ARN ribosomaux
Phénylamides



Dithioarbamates

Les dithiocarbamates (zinèbe, manèbe, mancozèbe, thirame) sont des carbamates soufrés qui dérivent de l’acide dithiocarbamique. Certains d’entre eux-sont des composés organométalliques dans lesquels l’anion dithiocarbamate forme un complexe avec un métal tel que le zinc (zinèbe) ou le manganèse (manèbe).

Les dithiocarbamates sont des fongicides de contact qui agissent sur de nombreux champignons et Oomycètes en bloquant trois principaux processus métaboliques soit la biosynthèse des acides gras, celle des acides nucléiques et la respiration mitochondriale.

Dotés d’un large spectre d’action, ces fongicides sont utilisés, seuls ou en association, pour prévenir plusieurs maladies cryptogamiques comme les tavelures, les mildious, les septorioses et les fusarioses sur une grande diversité de cultures (céréales, cultures maraîchères, arbres fruitiers, vigne). Bien qu’ils soient parmi les plus anciens fongicides de synthèse, ils continuent d’être largement utilisés, car ils sont peu coûteux et efficaces.

En raison de leur mode d’action multisite, ces fongicides induisent peu de résistances et sont fréquemment employés dans les stratégies antirésistance en association avec des fongicides unisites. Toutefois, leur persistance d’action est faible, particulièrement en cas de pluies (lessivage), et ils nécessitent des doses relativement élevées.

Les dithiocarbamates et leurs résidus sont toxiques pour de nombreux invertébrés aquatiques, les oiseaux et les abeilles. Plusieurs d’entre eux sont aussi suspectés d’être cancérigènes ou de possibles perturbateurs endocriniens; c'est le cas, par exemple, de l'éthylènethiourée qui est le principal métabolite du mancozèbe, du manèbe et du zinèbe.

Le métham sodium, qui est le sel de sodium de l'acide méthydithiocarbamique, est un puissant fumigant qui possède aussi des propriétés herbicides, insecticides et nématicides. Il a été largement employé pour la fumigation des sols en pré-semis aussi bien en agriculture que dans les terrains de sports. Très toxique pour les vers de terre (lombrics) et la microflore bactérienne utile des sols, suspecté d'être cancérogène et reprotoxique chez l'humain, il est désormais interdits dans de nombreux pays, notamment en Europe.

Strobilurines

Les strobilurines (azoxystrobine, fluoxastrobine, pyrachlostrobine) sont des dérivés synthétiques plus stables de substances naturelles produites par un champignon lignivore (Strobilurus tenacellus, Basidiomycète). Ces fongicides inhibent le transfert d’électrons dans la chaîne respiratoire mitochondriale au niveau du coenzyme Q (ubiquinone), ce qui bloque la production d’ATP (nucléotide fournissant l'énergie aux cellules) et le métabolisme cellulaire du champignon.

Fongicides principalement de contact et à longue persistance d’action, les strobilurines sont efficaces à faibles doses pour prévenir voire éliminer les mildious et les oïdiums. De plus, elles stimulent la croissance des céréales, améliorant ainsi les rendements des récoltes.

Commercialisées dans les années 1990-2000, elles ont connu un grand succès mais ont rapidement induit des résistances chez les populations de champignons ciblés notamment les mildious et la septoriose du blé.

Il est à noter que d’autres molécules comme la famoxadone et la fénamidone, qui ne sont pas liées chimiquement aux strobilurines, ont le même mode d’action et sont efficaces contre les mildious.

Benzimidazoles

Apparus dans les années 1970, les benzimidazoles (bénomyl, carbendazime, thiabendazole), dont la structure chimique comprend un cycle benzène et un cycle imidazole, sont les tout premiers fongicides systémiques qui ont permis de traiter de façon curative plusieurs maladies cryptogamiques. Plus efficaces que les fongicides de contact, ils stoppent la croissance des champignons en bloquant leur division cellulaire, plus précisément en perturbant la formation des microtubules du fuseau mitotique; ils se fixent sur la béta-tubuline, l’un des constituants essentiels des microtubules, et empêchent sa polymérisation.

Sélectifs, les benzimidazoles sont sans effets sur les Omycètes et sur certains Ascomycètes. Ils sont surtout utilisés sur les cultures tropicales. On les emploie aussi pour le traitement préventif de surface (cires) de certains fruits comme les bananes et les agrumes. Des phénomènes de résistance se sont progressivement développés, notamment par modification de la béta-tubuline, chez un grand nombre de champignons phytopathogènes.

À noter que le thiabendazole possède aussi des propriétés parasiticides qui sont utilisées en médecine vétérinaire pour lutter contre des vers nématodes.

Fongicides systémiques inhibiteurs de la synthèse des stérols (IBS)

Ces fongicides regroupent une grande diversité de familles chimiques :
  • les morpholines (fenpropimorphe)
  • les pyrimidines
  • les imidazoles (imazalil, prochloraze)
  • les triazoles (diniconazole, épiconazole).

Systémiques, ils agissent de façon curative en inhibant certains enzymes (déméthylase, isomérases, réductases) impliqués dans la biosynthèse des stérols, plus précisément de l’ergostérol qui est l’un des constituants essentiels des membranes cellulaires des champignons; l'ergostérol assure la fluidité des membranes lipidiques tout comme le cholestérol dans les cellules animales. Les IBS sont inactifs sur les Oomycètes, car leurs membranes cellulaires ne contiennent pas d'ergostérol.

Les imidazoles et les triazoles, qui inhibent spécifiquement la 14-alpha-déméthylase, sont parmi les fongicides les plus utilisés actuellement contre plusieurs maladies (septorioses, fusarioses, oïdiums, rouilles) sur une grande diversité de cultures. Ils sont en outre efficaces contre les champignons résistants aux benzimidazoles. Toutefois, plusieurs cas de résistance aux triazoles sont apparus au cours des dernières années chez les agents responsables de la septoriose du blé.

Certains d’entre eux, comme l’imazalil qui est couramment utilisé sur les agrumes, les clémentines et mandarines, sont classés comme cancérigènes potentiels.

Fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI)

Les fongicides de la famille SDHI (Succinate DeHydrogenase Inhibitors en anglais) sont des inhibiteurs d’une enzyme, la succinate déshydrogénase (SDH ou complexe II) qui est impliquée dans la chaîne respiratoire mitochondriale des cellules de champignons parasites. On en distingue deux grands groupes selon leur structure chimique :
  • les cis-crotoanilides (carboxine, bénodanil, mépronyl, flutolanil, boscalid, fluopyram)
  • les méthyl-pyrazole carboxamides (bixafen, isopyrazam, fluxapyroxad, penflufen, penthiopyrad, sedaxane).

Développée dans les années 1960-1970, cette famille s’est enrichie dans les années 2000-2010 de nouvelles molécules à très large spectre et dont l’activité peut être systémique et curative (Perspectives agricoles, 2011).
De nos jours, les fongicides SDHI sont largement employés pour lutter contre divers champignons parasites et moisissures sur les céréales (blé, orge), les arbres fruitiers, les salades, les tomates, les pommes de terre et les gazons (par exemple, les golfs) ainsi que pour le traitement préventif des sols et des semences

Toutefois, la succinate déshydrogénase est présente dans de nombreux organismes vivants. De fait, les fongicides SDHI sont aussi toxiques pour les vers de terre, les abeilles et les cellules humaines in-vitro (Bénit P. et al. 2018, Bénit P. et al. PLOS ONE 2019). Selon un collectif de chercheurs français du CNRS, de l'INRA et de l'INSERM, le blocage de la SDH entrainerait chez l’humain une accumulation de succinate qui pourrait induire des modifications épigénétiques de l'ADN et causer des maladies neurologiques graves, des cancers et des tumeurs (Libération 15 avril 2018, CNRS Alerte Presse 7 novembre 2019) . Ceci est particulièrement préoccupant d'autant que certains fongicides SDHI comme le boscalid, sont parmi les résidus de fongicides les plus détectés dans l'environnement et les aliments (Générations Futures, avril 2018).

Autres fongicides organiques de synthèse


Phénylamides

Les phénylamides (bénalaxyl, métalaxyl) sont des fongicides systémiques qui inhibent la biosynthèse des ARN ribosomaux en se fixant sur l’ARN polymérase I, ce qui perturbe la synthèse protéique. Ils agissent de façon curative spécifiquement sur les Oomycètes. Leur emploi est de plus en plus limité en raison des résistances chez les agents responsables des mildious.

Anilinopyrimidines

Les anilinopyrimidines (cyprodinil, mépanipyrin, pyriméthanil) sont particulièrement efficaces pour prévenir les pourritures grises et les tavelures. Elles agissent par contact en empêchant le champignon de pénétrer dans la plante probablement en inhibant la biosynthèse de la méthionine, un acide aminé essentiel au développement cellulaire et à la méthylation des protéines, mais aussi en inhibant la sécrétion de certains enzymes hydrolysants (protéases, lipases, cellulases).

Dicarboximides

Les dicarboximides (iprodione, procymidone) sont surtout utilisés pour prévenir les pourritures et pour désinfecter les semences. Ils empêchent les champignons de croître et de se multiplier en agissant sur une protéine kinase impliquée dans la régulation de la pression osmotique des cellules de champignons.

Phtalimides

Les fongicides de la famille des phtalimides (folpel, captane, captafol) sont des dérivés soufrés et chlorés qui agissent par contact sur plusieurs sites d'action.

Le folpel ou folpet est employé entre autres contre l’oïdium du blé et le mildiou de la vigne. On en trouve aussi à de faibles concentrations dans certaines peintures et matières plastiques. Puissant sensibilisant et irritant, le folpel est responsable de nombreuses allergies, rhinites et œdèmes, voire d'asthme chez les agriculteurs notamment chez les viticulteurs qui l'utilisent massivement. Proche du folpel, le captafol est suspecté d'être cancérigène et est interdit sur les cultures vivrières dans de nombreux pays. Les phtalamides sont aussi hautement toxiques pour les poissons. Leur persistance dans l'environnement et leur potentiel de lessivage sont toutefois relativement faibles.

Fosétyl-Al

Le fosétyl-al (Aluminium Tris (-O-éthyl phosphonate)), un composé organométallique phosphoré, est un fongicide systémique qui est surtout utilisé en viticulture pour prévenir et traiter le mildiou et la pourriture noire. Il agit comme éliciteur en stimulant les défenses naturelles de la vigne, notamment la production de phytoalexines aux propriétés antimicrobiennes. C'est l'un des tout premiers stimulateurs de défenses des plantes (SDP) à être apparu sur le marché. Il est généralement associé à d'autres fongicides pour compléter son efficacité. Non persistant dans les sols, où il est rapidement dégradé en acide phosphoreux (H3PO3), il est néanmoins susceptible de contaminer les eaux souterraines.

Il est à noter que le fosétyl-al est obtenu à partir d'acide phosphoreux (H3PO3) qui sert aussi à synthétiser des fertilisants à base de phosphate et les phosphonates (ou phosphites) de potassium ou de sodium, d'autres éliciteurs SDP. Les acides phosphoniques sont de puissants acides dont la phytotoxicité est neutralisée sous forme de sels.

Fongicides organochlorés


L’hexachlorobenzène (HCB) a été employé, de l’après guerre jusqu’aux années 1970, dans l’enrobage de diverses semences pour prévenir les maladies fongiques. Très persistant et cancérogène, cet organochloré dérivé du benzène est un des 12 POP interdits par la convention de Stockholm.

Dérivé chloronitrile du benzène, le chlorothalonil est un fongicide de contact multisite qui est utilisé en agriculture (arachides, pommes de terre, vigne, cultures maraichères), dans les terrains de golf et dans les peintures antisalissures (antifouling). Très toxique pour les poissons et les invertébrés aquatiques, il serait aussi néfaste pour les insectes pollinisateurs, notamment les bourdons, en augmentant leur sensibilité à un parasite intestinal, Nosema bombi (McArt et al., Proc R Soc B 2017).

Le pentachlorophénol (PCP) est un autre organochloré utilisé contre les moisissures pour préserver le bois des poteaux, pieux, charpentes et meubles et pour blanchir la pâte à papier. C’est un produit persistant et toxique qui libère, entre autres, des dioxines lorsqu’il est brûlé. Interdit en Europe, il continue d’être largement utilisé en Amérique du Nord.

Fongicides organiques naturels (biofongicides)

Les plantes, les bactéries et les champignons produisent de nombreuses substances qui ont des propriétés fongicides. Toutefois, peu d'entre elles sont présentement disponibles sur le marché. Par contre, plusieurs bactéries et champignons antagonistes peuvent être utilisés comme auxiliaires de la lutte biologique. Par ailleurs, quelques stimulateurs de défenses des plantes (SDP) naturels sont désormais disponibles.

Il est à noter que des purins de compost peuvent aussi être appliqués en pulvérisation foliaire pour prévenir les mildious ou les oïdiums et pour apporter des microorganismes antagonistes ou SDP. Les huiles insecticides, minérales ou végétales, ont aussi des effets antifongiques et antimicrobiens.

Acides lactique et citrique

Au Canada, on trouve sur le marché des biofongicides dont l’ingrédient actif est un mélange d’acide lactique et d’acide citrique, deux produits de fermentation de la bactérie Lactobacillus casei. Destinés à un usage domestique (jardins, potagers), ils sont employés pour prévenir le développement de plusieurs maladies fongiques et bactériennes sur les rosiers, les tomates et les légumes.

Obtenu par fermentation lactique, l’acide lactique est présent dans les de nombreux produits alimentaires comme le laitages et les vins. On s’en sert aussi comme agent bactériostatique pour inhiber le développement des salmonelles et des Listeria qui sont responsables de graves intoxications alimentaires.

L’acide citrique, présent aussi en grande quantité dans les citrons, est peu toxique pour les humains et l’environnement. Il peut aussi être employé comme fongicide, bactéricide ou algicide (en particulier, contre les lichens).

Limonène

Le D-limonène, un terpène présent dans les huiles essentielles d'orange, présente une activité fongicide curative de contact contre divers champignons tels que les mildious, les oïdiums et les rouilles sur les plantes légumières et florales et la vigne. Il agit en détruisant les phospholipides des parois cellulaires des spores et des mycéliums qui finissent par se dessécher. Le D-limonène possède en outre une activité insecticide contre les insectes au corps mou (aleurodes, thrips, cicadelles). Facilement biodégradable et non toxique pour la faune et les humains, il est compatible avec l'agriculture biologique.

Allium et crucifères

L'ail (Allium spp.), qui contient de nombreux composés organiques soufrés (mono- et poly-sulfures d'allyle), peut être employée sous forme de poudre ou de décoction comme fongicide sur les arbres fruitiers et la vigne. La poudre et les décoctions d'ail présentent aussi des propriétés insecticides, acaricides et insectifuges.

Les composés soufrés agissent surtout de manière préventive en inhibant la germination des spores de la tavelure du pommier, de l'oïdium et du mildiou de la vigne.  

Par ailleurs, l'utilisation des Allium (ail, oignon, poireau) ou des crucifères (moutarde, radis) en amendement (biofumigation) ou en engrais vert libère dans le sol des composés soufrés volatils (isothiocyanates) qui ont une action fongicide sur plusieurs champignons phytopathogènes du sol (Aphanomyces spp., Fusarium spp., Pythium spp.). Les techniques de biofumigation qui permettent aussi de lutter contre les nématodes des racines et les taupins sont en cours de développement.

Saponines

Synthétisées par certaines plantes, les saponines sont des hétérosides complexes qui combinent un sucre à un terpénoïde ou un alcaloïde. Dotées de propriétés tensioactives, elles présentent aussi des activités antifongiques et antimicrobiennes et auraient un rôle important dans la défense des plantes contre leurs parasites et prédateurs. Leur action fongicide ou fongistatique serait liée à leur capacité de former des complexes avec les stérols des champignons. Selon certains auteurs, elles pourraient aussi induire une certaine résistance systémique acquise chez les plantes en stimulant leurs défenses naturelles.

Au Canada, les saponines extraites des graines de quinoa (Chenopodium quinoa) ont été homologuées pour lutter contre le rihizoctone brun de la pomme de terre (Rhizoctonia solani).

Facilement biodégradables dans l'environnement, les saponines sont toutefois toxiques à doses élevées pour les animaux à sang froid notamment les insectes et les poissons. Elles sont d'ailleurs utilisées traditionnellement comme piscicides pour la pêche par plusieurs peuples amérindiens d'Amérique du Sud.

Fongicides minéraux

Des fongicides inorganiques ont été massivement utilisés de la fin du 19e siècle jusqu’à la moitié du 20e siècle. La plupart sont désormais interdits (notamment les sels de mercure) à l’exception des produits à base de soufre et de cuivre qui sont encore largement utilisés notamment en agriculture biologique. Par exemple, en France, ceux-ci représentent près de 20 % du marché des pesticides et sont employés surtout dans les vignes, les cultures maraichères, les vergers et les jardins.

Fongicides de contact à activité multisite, le soufre et le cuivre agissent surtout de manière préventive en inhibant la germination des spores et la croissance des hyphes. Néanmoins, ils peuvent aussi parfois agir de façon curative et limiter le développement des champignons. À ce jour, ils présentent l’avantage de ne pas avoir induit de résistance chez les espèces ciblées.

Soufre

Présent naturellement sous forme native ou de minéraux (sulfates, sulfures) dans les sols et les roches, le soufre est connu pour ses propriétés insecticides, acaricides, répulsives et fongicides depuis l’Antiquité. De nos jours, les fongicides contenant du soufre élémentaire sont appliqués sous forme de poudre ou de suspension aqueuse sur la vigne et les arbres fruitiers pour lutter contre plusieurs maladies cryptogamiques (mildious, rouilles, tavelures, oïdiums, anthracnoses). Peu toxique pour les mammifères, non toxique pour les oiseaux, les poissons et les abeilles, le soufre peut néanmoins acidifier le sol.

Le soufre peut aussi être appliqué sous forme d'une bouillie sulfo-calcique, appelée «chaux soufrée»; obtenue par chauffage d’un mélange de lait de chaux et de soufre, la bouillie est composée de sulfure ou de polysulfure de calcium. La chaux soufrée est principalement utilisée sur les arbres et arbustes aussi bien pour prévenir plusieurs maladies fongiques (tavelures, cloque du pêcher, oïdiums) que pour détruire les acariens et les œufs de certains insectes.

Cuivre

Le cuivre peut être utilisé sous forme minérale (sulfate de cuivre, oxychlorure de cuivre) ou sous forme de complexe organométallique (octanoate de cuivre). La formulation à base de cuivre la plus connue et la plus populaire est la bouillie bordelaise qui est composée de sulfate de cuivre neutralisé par de la chaux vive (oxyde de calcium).

Les composés à base de cuivre présente un très large spectre d’action contre diverses maladies cryptogamiques (mildious, tavelures, septorioses, cloque du pêcher, rouilles, anthracnoses) mais aussi bactériennes (chancres bactériens, feu bactérien, flétrissure bactérienne). On les utilise abondamment sur les vignes, les arbres fruitiers ou les cultures maraîchères. À noter que le sulfate de cuivre peut aussi servir comme antimicrobien pour désinfecter les semences et comme algicide pour lutter contre la prolifération d’algues filamenteuses dans les étangs et les piscines.

Bien que le cuivre puisse s’accumuler dans certains types de sols à des concentrations toxiques pour la microflore, les vers de terre et les poissons, la bouillie bordelaise est autorisée en agriculture biologique. Certaines formes organiques du cuivre peuvent être bioaccumulées par les mousses, les sphaignes, les cyanobactéries et les algues. Chez les humains, la bouille bordelaise est particulièrement toxique lorsqu’elle est inhalée. Il est donc important d'utiliser les produits cuivriques avec précaution et parcimonie.

La bouille bordelaise
À la fin du 19e siècle, un oomycète d'origine nord-américaine, le mildiou de la vigne Plasmopora viticola ravage les vignobles français. En 1882, Pierre Marie Alexis Millardet, un naturaliste français, découvre par hasard les propriétés fongicides du sulfate de cuivre contre le mildiou de la vigne en visitant un vignoble du Médoc, dans la région bordelaise. Avec l’aide d’un chimiste, Ulysse Gayon, il met au point la «bouillie bordelaise» en neutralisant le sulfate de cuivre avec de la chaux. Le développement des épandeurs à dos permet de traiter efficacement les vignes contre le mildiou et de le juguler en 1886.

Bouillie bleu verdâtre, la bouille bordelaise est pulvérisée sur les feuilles et les fruits de la vigne pour prévenir le mildiou. Un surfactant comme du savon noir est généralement ajouté à la bouillie pour optimiser sa pulvérisation. Crédit photo : Pg1945, Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

Bicarbonates

Les bicarbonates de soude (NaHCOO3) ou de potassium (KHCOO3), qui sont extraits des saumures, sont connus depuis longtemps pour traiter les oïdiums sur les rosiers et les plantes ornementales, les légumes, les baies et la vigne. Diverses études ont démontré un potentiel intéressant pour lutter contre d'autres maladies fongiques telles que la tâche noire du rosier, le Pythium du gazon, le mildiou de la pomme de terre, l'oïdium et la rouille du blé, etc (Tremblay, L., Québec Vert 2001).

Les bicarbonates sont des fongicides de contact qui agissent rapidement probablement en inhibant la phosphorylation oxydative ou en détruisant les parois cellulaires des spores. L'addition d'un dispersif adhésif comme du savon noir favorise son application uniforme sur le feuillage des plantes. Leur efficacité serait accrue lorsqu'ils sont combinés à des huiles horticoles. Pour une efficacité optimale, les traitements doivent être habituellement répétés plusieurs fois par semaine.

Non toxique pour la faune et les humains, les bicarbonates sont rapidement dégradés dans l'environnement. À des doses répétées ou supérieures à 0,5 %, ils peuvent néanmoins être phytotoxiques pour certaines plantes et causer des ralentissements de croissance ou des flétrissements ou encore nuire à l'absorption du calcium, du magnésium ou du fer.

Phosphonates (phosphites) inorganiques

D'origine industrielle, les phosphonates (ou phosphites) de potassium (K2HPO3) ou de sodium (Na2HPO3) sont des sels d'acide phosphonique, un puissant acide qui est phytotoxique lorsqu'il n'est pas neutralisé. Outre des effets fertilisants, les phosphonates ont une activité fongicide contre divers champignons tels que le mildiou de la vigne, le Phytophtora des arbres fruitiers ou le Pythium des gazons. Ils agissent à la fois de façon curative en affectant le métabolisme des mycéliums et la sporulation et de façon préventive en stimulant les défenses naturelles des plantes, notamment la production de phytoalexines; ils produiraient ainsi  une carence en phosphore chez le champignon parasite ce qui stimulerait l'émission de molécules fongiques élicitrices.

Biodégradables, les phosphonates sont lentement transformés dans le sol en phosphates qui deviennent disponibles pour les plantes. Ils sont moins toxiques que le cuivre mais leur pulvérisation sur la vigne entraîne la formation de résidus d'acide phosphoreux dans les vins (H3PO3-), ce qui limite leur acceptation en agriculture biologique. Selon les pays, ils peuvent être homologués comme fongicides ou comme phytostimulants.


Bactéricides


Désinfectants

Les bactéricides servent à détruire ou inhiber le développement des bactéries pathogènes qui contaminent les surfaces inertes, le matériel, les équipements et systèmes industriels ou encore l’eau. Généralement peu spécifiques, ils agissent aussi sur l’ensemble des microorganismes comme les moisissures, les algues unicellulaires, les amibes et même certains virus. On parle alors de désinfectants, de pesticides antimicrobiens ou de biocides généraux.

Parmi, les désinfectants les plus communs, on trouve :
  • des composés inorganiques : hypochlorite de sodium (eau de javel), peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée), ozone, etc.
  • des composés organiques : éthanol, acide acétique, sels d’ammonium quaternaire, composés phénoliques, etc.

Ils entrent dans la composition de nombreux produits à usage domestique ou industriels (détergents). On les emploie dans les habitations, les bâtiments d’élevage, les hôpitaux, les usines de transformations alimentaires et de traitement de l’eau ou encore dans les piscines.

Bactéricides agricoles

En agriculture, peu de bactéricides sont disponibles pour lutter contre les très nombreuses bactéries phytopathogènes qui causent des maladies aux plantes cultivées, entre autres, des chancres et des pourritures molles (Pseudomonas spp., Xanthomonas spp., Erwinia spp., Pectobacterium spp., Ralstonia spp.).

Des bactéricides comme l’hypochlorite de sodium, l’oxychlorure de cuivre ou le formaldéhyde (formol) sont surtout employés à titre préventif pour désinfecter les semences et le matériel agricole.

Parmi ceux qui peuvent être appliqués directement sur les cultures, on trouve :
  • des fongicides à base de cuivre (sulfate de cuivre, hydroxyde de cuivre) ou d'un mélange d'acide lactique et d'acide citrique
  • divers stimulateurs des défenses naturelles des plantes (Laminarine, Chitosane, Fosetyl-Al, Acibenzolar-S-methyl, Probénazole)
  • quelques antibiotiques. 
Par ailleurs, des biopesticides à base de bactéries antagonistes ou, plus rarement, de bactériophages, peuvent être employés comme auxiliaires de la lutte biologique.

Outre les traitements chimiques, antibiotiques et microbiologiques, les principaux moyens pour prévenir et lutter contre les bactéries phytophatogènes sont :
  • la culture de variétés résistantes ou l'utilisation de porte-greffes résistants aux bactérioses
  • la rotation des cultures
  • le drainage et le contrôle de l'humidité du sol
  • la désinfection du sol par traitement thermique (eau chaude/vapeur), par solarisation ou par biofumigation
  • l'élimination mécanique des plantes et des débris végétaux infectés (arrachage et destruction).

Antibiotiques

L’usage des antibiotiques contre des bactéries phytopathogènes est très limité voire interdit dans la plupart des pays afin d’éviter tout risque de passage de l’antibiorésistance aux humains par la chaîne alimentaire. On peut toutefois citer quelques exceptions :
  • la streptomycine contre la bactérie Erwinia amylovora responsable du feu bactérien sur les arbres fruitiers aux États-Unis
  • l’acide oxolinique contre le feu bactérien en Israël
  • l’oxytétracycline contre le feu bactérien et diverses bactérioses, dues aux espèces Pseudomonas spp. et Xanthomonas spp., aux États-Unis, au Mexique et en Amérique Centrale et contre le jaunissement mortel du palmier, qui est provoqué par un mycoplasme (bactérie sans paroi), en Floride
  • la gentamicine contre le feu bactérien et diverses bactérioses de plantes maraichères au Mexique, au Chili et en Amérique Centrale

Des poiriers d'un verger sont infectés par le feu bactérien (Erwinia amylovora). C'est l'une des maladies les plus dangereuses pour les pommiers et les poiriers qui peuvent rapidement en mourir. Les fleurs et les feuilles se flétrissent et noircissent tandis qu'un chancre peut se développer sur l'écorce. Crédit photo : P.G. Psallidas, Benaki Institute, Athens, Bugwood.org, Sous licence CC BY-NC 3.0 US


À noter qu’en élevage, les antibiotiques sont largement employés chez le bétail (bovins, porcs) et la volaille pour combattre les infections mais aussi stimuler la croissance des animaux. De ce fait ils contribuent à l’antibiorésistance chez les humains et, via la fumure, à la contamination des sols agricoles qui peut nuire à la microflore. L'utilisation de facteurs de croissance est interdite en agriculture biologique.



Stimulateurs des défenses naturelles des plantes (SDP ou SDN)

Diverses substances naturelles ou synthétiques peuvent stimuler les défenses naturelles des plantes saines contre les champignons et les bactéries phytopathogènes voire certains phytovirus; après avoir été reconnues par des récepteurs membranaires, ces substances appelées éliciteurs exogènes induisent une série de réactions métaboliques comme la production de signaux d'alerte (acide salicylique, acide jasmonique, éthylène), de protéines de défense (protéines PR, péroxydases, chitinases, etc.) ou de substances antimicrobiennes (phytoalexines) et qui peuvent conduire à des réponses physiologiques comme l'épaississement des parois cellulaires.

Fondée sur le même principe que la vaccination, la stimulation des défenses naturelles permet aux plantes saines d'acquérir une certaine résistance contre les agents infectieux (résistance systémique acquise) qui peut durer de quelques jours à quelques semaines. On distingue deux types de SDP soit les éliciteurs qui stimulent les réactions métaboliques de défenses dès leur application et les potentialisateurs qui les déclenchent uniquement lorsque la plante traitée est infectée. Tous deux agissent de façon préventive et systémique sans entrer en contact avec les agents phytopathogènes. Leur persistance d'action est toutefois limité et les traitements doivent être renouvelés fréquemment.

Les SDP ne sont pas à proprement parlé des fongicides car ils n'exercent aucune toxicité directe sur les champignons ou les bactéries.

Il est à noter qu'on trouve sur le marché de nombreux produits fertilisants commercialisés comme «phytostimulants», «biostimulants» ou «bioactivateurs» ce qui laissent à penser qu'ils possèdent une activité SDP. En stimulant la microflore du sol, les biostimulants favorisent en effet  l'absorption des nutriments minéraux par les plantes et, ce faisant, augmente leur vitalité et leur tolérance aux stress abiotiques ou aux maladies. Toutefois, leur efficacité pour prévenir les maladies ne peut être garantie.

SDP naturels

Quelques SDP naturels d'origine végétale, animale ou bactérienne sont homologués dans le monde :
  • la laminarine est un polysaccharide à base de glucanes (β-1,3-glucanes) extrait d’algues brunes (Laminaria digitata) et est efficace sur le blé, l'orge, le riz, le tabac et le pommier. Elle est homologuée en France pour prévenir la tavelure du pommier et le feu bactérien du pommier et du poirier (Bernardon-Méry A. et al., Phytoma 2013).
  • la chitosane (β-1,4 poly D glucosamine) est un polysaccharide obtenu par désacétylation de la chitine extraite de la cuticule des Crustacés (El Hadrami A. et al, Marine Drugs 2010). Elle est homologué aux États-Unis pour prévenir les maladies fongiques sur la vigne.
  • l'harpine, un peptide riche en glycine produit par la bactérie Erwinia amylovora, est efficace contre divers agents phytopathogènes, y compris certains phytovirus, sur le cotonnier, le tabac, la tomate, le piment, le fraisier, etc. (Wei ZM, Science 1992). Elle est homologué aux États-Unis depuis 2002 et pourrait être utilisée prochainement pour traiter les semences.
  • L'extrait de graines de Fenugrec ou trigonelle (Trigonella foenum-graecum, Fabaceae) est homologué en France pour protéger la vigne contre l'oïdium. Cet extrait est riche en protéines, en éléments minéraux et en flavonoïdes.
  • Le Milsana à base d'extraits de renouée de Sakhaline (Reynoutria sachalinensis, Polygonaceae) est autorisé en Allemagne et aux États-unis. Il contient entre autres du resvératrol, un polyphénol aux propriétés antifongiques (mildious, Botrytis) et antibactériennes.

Non toxiques pour la faune et les humains, ces substances naturelles se décomposent rapidement dans les plantes et l'environnement et ne laissent donc aucun résidu. Leur emploi est généralement compatible avec le cahier des charges de l'agriculture biologique. Ils sont aussi souvent associés à des fongicides de synthèse dans des programmes de lutte intégrée ou des stratégies anti-résistance.

SDP synthétiques


Divers SDP synthétiques sont commercialisés :
  • les phosphonates (ou phosphites) de potassium ou de sodium préviennent le mildiou de la vigne, le Phytophtora des arbres fruitiers ou le Pythium des gazons.
  • le foséty-al est utilisé sur la vigne contre le  mildiou et la pourriture noire.
  • l'acibenzolar-S-methyl est un benzothiadazole analogue structural de l'acide salicylique et prévient l’oïdium chez le blé, la moucheture bactérienne (Pseudomonas syringae) chez la tomate ainsi que les cercosporioses chez le bananier. Il est l'ingrédient actif du Bion qui est commercialisé en France.
  • la probénazole, un autre benzothiadazole, est employée au Japon pour protéger le riz contre la pyriculariose (Magnaporthe grisea) et les bactérioses dues à Xanthomonas oryzae.

D'origine industrielle, ces composés synthétiques ne sont pas autorisés en agriculture biologique.



Olivier Peyronnet
Dernière mise à jour : novembre 2019

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