Distincts des plantes et des animaux, les champignons, appelés aussi Fungi ou anciennement Mycètes (Mycota, du grec mykès, champignon), forment un monde à part, souvent méconnu mais essentiel à la vie sur Terre. Leur diversité morphologique et fonctionnelle est impressionnante : des levures microscopiques aux majestueux cèpes et amanites des forêts, des moisissures sur le pain aux parasites des plantes cultivées ou des animaux. Hétérotrophes, ils tirent leur énergie de la matière organique qui les entoure et participent activement aux écosystèmes et cycles écologiques. Leur étude révèle des interactions complexes avec les autres formes de vie et une importance majeure pour les écosystèmes comme pour l’humanité (agriculture, alimentation, santé).
| Diversité du monde fongique: 1. Champignons à chapeau (amanite, bolet, etc.); 2. Moisissure blanche (Mucor sp. ou Rhizopus sp.); 3. Spores de Penicillium sp.; 4. Levures Saccharomyces cerevisiae. Source: illustration originale réalisé avec assistance de ChatGPT / OpenAI |
Classification et évolution
Environ 155 000 espèces de champignons ont été décrites à ce jour (Hibbett et al., 2025), dont près de 20 000 sont phytopathogènes. Les estimations suggèrent toutefois que la diversité réelle des champignons serait bien supérieure. Désormais reconnus comme un règne distinct, le règne des Fungi, et plus proches des animaux que des plantes, les champignons ont vu leur classification profondément remaniée grâce aux analyses moléculaires.
Les classifications phylogénétiques actuelles distinguent environ 19 phyla, même si certains liens évolutifs restent débattus. Les deux groupes les plus importants sont les Ascomycètes (Ascomycota) et les Basidiomycètes (Basidiomycota). Leur distinction repose notamment sur leurs structures reproductives :
- Ascomycètes : production de spores dans des asques, de petits sacs microscopiques;
- Basidiomycètes : production de spores à la surface de basides, cellules en forme de pédoncule.
Les autres Fungi comprennent des lignées plus anciennes ou très spécialisées, comme les anciens Zygomycètes (Zygomycota) (aujourd’hui divisés en plusieurs phyla), les Chytridiomycota (champignons primitifs, souvent aquatiques). Avec les Ascomycètes ou les Basidiomycètes, ils constituent l’ensemble des vrais champignons, ou Eumycètes (du grec eu, « vrai » et mykès, « champignon »).
D’autres organismes fongiformes ou pseudo-champignons, comme les Oomycètes et les Myxomycètes, ont longtemps été considérés comme des champignons mais sont aujourd’hui classés dans d’autres lignées d’eucaryotes, bien qu’ils restent étudiés par la mycologie. Les Oomycètes sont des chromistes proches des algues brunes et des diatomées et les Myxomycètes sont des protistes amiboïdes qui forment des plasmodes visqueux.
Morphologie
Les champignons présentent une organisation très différente de celle des plantes ou des animaux. Leur corps, appelé thalle, forme un appareil végétatif simple, sans tissus différenciés, ni racines, ni tiges, ni feuilles, ni organes. Le thalle peut être unicellulaire, comme chez les levures, ou le plus souvent pluricellulaire, formé d’un réseau de fins filaments ramifiés : le mycélium. Ces filaments, appelés hyphes, sont de véritables tubes microscopiques qui sont le plus souvent enfouis dans le substrat et croissent à leur extrémité. Selon les espèces, ils peuvent être soit cloisonnés par des parois transversales soit siphonnés (ou coenocytiques), c'est à dire dépourvus de paroi transversale, ce qui permet au cytoplasme et aux noyaux de circuler librement.
Les champignons parasites intracellulaires (endoparasites) ou mycorhiziens (associés à des racines des plantes) possèdent en outre des hyphes spécialisés, appelés suçoirs ou haustoria, qui pénètrent à l'intérieur des cellules hôtes afin d'en extraire les nutriments.
Toutes les cellules fongiques sont eucaryotes, c’est-à-dire qu’elles possèdent un noyau bien défini.
Elles se distinguent notamment par :
- une membrane cellulaire riche en ergostérol;
- une paroi cellulaire rigide contenant de la chitine (un polysaccharide azoté), le même matériau que celui qui compose la cuticule des insectes et la carapace des crustacés;
- et une réserve d’énergie stockée sous forme de glycogène, comme chez les animaux.
Dans le langage courant, le mot « champignon » désigne bien souvent le sporophore (ou carpophore) : la partie visible, en forme de chapeau, qui pousse à la surface du sol. Pourtant, ce n’est que l’organe reproducteur du champignon ! La plus grande partie de l’organisme, le mycélium, reste cachée enfouie dans le sol, le bois ou la matière en décomposition, où elle absorbe les nutriments nécessaires à sa croissance.
Outre les champignons à pied et chapeau que l’on trouve dans les forêts, comme les cèpes ou les bolets, la plupart des champignons sont microscopiques, sous forme de levures ou de moisissures.
Modes de nutrition
Les champignons sont des organismes eucaryotes hétérotrophes, (c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas fabriquer leur propre nourriture) et absorbotrophes (c'est à dire qu'ils se nourrissent par absorption de la matière organique qui les entoure). Contrairement aux animaux qui ingèrent leur nourriture, ils doivent absorber les nutriments à partir de matière organique présente dans leur environnement. Pour ce faire, la plupart secrètent de puissants enzymes digestifs qui assurent une décomposition de la matière organique à l'extérieur de leurs cellules. C'est ce que l'on appelle la digestion extracellulaire.
Contrairement aux plantes, ils ne possèdent pas de chlorophylle et ne peuvent donc pas réaliser la photosynthèse. Ils dépendent donc de la matière organique produites par d'autres organismes vivants.
Les champignons ont des modes de nutrition très variés. On en distingue trois grands types.
- La plupart sont des saprophytes ou saprotrophes qui se nourrissent de matières organiques en décomposition (feuilles mortes, bois pourris, cadavres d'animaux, excréments, etc.) contribuant ainsi au recyclage des nutriments.
- De nombreuses espèces sont des parasites qui vivent au dépens d'autres organismes vivants comme des plantes, des animaux, des protistes ou d'autres champignons en leur causant des dommages ou maladies fongiques. Plusieurs espèces sont phytopathogènes, provoquant ainsi des maladies chez des plantes comme les rouilles, l’oïdium ou les fusarioses. D'autres sont pathogènes pour les animaux et les humains, responsables de mycoses cutanées ou systémiques (candidoses). On distingue plusieurs types de parasites :
- Les biotrophes, qui se nourrissent de l'hôte vivant sans le tuer immédiatement.
- les nécrotrophes, qui tuent l'hôte pour se nourrir de ses tissus morts
- les ectoparasites, qui vivent à la surface de l'hôte, et les endoparasites, qui vivent à l'intérieur. La majorité des endoparasites sont extracellulaires, se développant à l'extérieur des cellules de l'hôte.
- les parasites obligatoires, qui dépendent entièrement de leur hôte pour survivre, et les parasites opportunistes, qui ne le parasitent que dans certaines conditions.
- Enfin d'autres champignons établissent des associations symbiotiques ou mutualistes (symbioses) avec d'autres organismes :
- Avec des algues vertes ou des cyanobactéries, ils forment les lichens, où le partenaire photosynthétique fournit des sucres et le champignon offre protection et humidité.
- Avec les racines des plantes, ils forment des mycorhizes, qui améliorent l’absorption d’eau et de minéraux en échange de sucres.
- Certains entretiennent aussi des relations mutuellement bénéfiques avec des animaux, notamment des arthropodes (fourmis, termites, coléoptères, etc.) ou encore des mammifères herbivores en dégradant les fibres végétales dans leur tube digestif.
- De nombreuses espèces endophytes vivent à l’intérieur des feuilles et des tiges et produisent des substances qui protègent la plante contre les insectes herbivores.
Reproduction
La reproduction des champignons est relativement complexe et implique différents types de spores, sexuées ou asexuées, qui sont généralement non flagellées et, plus rarement, uniflagellées. Selon les espèces, elles peuvent résister à des conditions extrêmes et être disséminées dans l’environnement par le vent, l’eau, les animaux, ou même grâce à des mécanismes de projection actifs.
Ces spores sont produites en très grande quantité à l’intérieur de structures spécialisées, appelées fructifications. Celles-ci, visibles parfois à l’œil nu ou seulement au microscope, permettent aux mycologues et spécialistes d’identifier les espèces grâce à leurs formes et à leurs caractéristiques uniques.
Chez la plupart des espèces, la reproduction asexuée est prédominante et particulièrement prolifique. Très efficace, elle permet une prolifération rapide grâce à des spores souvent produites en très grande quantité, comme les conidies ou les sporangiospores. Elle peut aussi se produire par bourgeonnement, par exemple, chez les levures. En revanche, la reproduction sexuée est absente chez certains champignons ou encore mal connue chez d’autres.
Plus complexe, la reproduction sexuée des champignons se produit généralement entre deux hyphes haploïdes de types sexuels différents qui s’attirent mutuellement. Cette rencontre est le plus souvent initiée par la libération de substances attractives, analogues à des phéromones. Chez les ascomycètes et les basidiomycètes, la reproduction sexuée comporte trois grandes étapes :
- La plasmogamie : c’est la fusion des cytoplasmes de deux hyphes haploïdes de types sexuels différents, sans fusion immédiate des noyaux. Les cellules ainsi formées contiennent plusieurs noyaux haploïdes, pouvant être regroupés aléatoirement (hétérocaryons) ou appariés deux par deux (dicaryons). Chez certaines espèces, le mycélium dicaryotique ainsi formé peut persister très longtemps, voire être prédominant.
- La caryogamie : après un délai plus ou moins long, les noyaux haploïdes s’unissent pour former des cellules diploïdes (zygotes). Cette étape marque la fécondation proprement dite.
- La méiose : les cellules diploïdes subissent ensuite une méiose, produisant des spores haploïdes qui, en germant, donneront naissance à de nouveaux hyphes et permettront de boucler le cycle de vie.
Rôles écologiques
Les champignons jouent un rôle vital dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres et forestiers. Souvent invisibles à l’œil nu, ils constituent une part impressionnante de la vie souterraine soit près de la moitié de la biomasse microbienne des sols!
En décomposant la matière organique morte (feuilles, bois, cadavres, excréments), les champignons libèrent les nutriments qu’elle contient (azote, phosphore, soufre, etc.). Ces nutriments sont ensuite rendus disponibles pour les plantes et les autres organismes vivants.
Les champignons, notamment les lichens, contribuent activement à la formation et à la stabilité des sols. Leurs hyphes pénètrent les roches et participent à leur altération, libérant ainsi des minéraux. En se mêlant aux particules du sol, ils favorisent l’agrégation et la formation de l’humus, essentiel à la fertilité des sols.
Les champignons mycorhiziens, associés aux racines des plantes, forment un vaste réseau souterrain appelé réseau mycorhyzien souvent surnommé le Wood Wide Web. Ils permettent aux plantes d’absorber plus efficacement l’eau et les minéraux et peuvent relier les racines de plusieurs plantes d'une même forêt, ce qui optimise les transferts d'eau ou de nutriments et favorise le développement des plantes et leur résistance aux stress biotiques.
En recyclant la matière et en transformant les éléments chimiques, les champignons participent aux grands cycles biogéochimiques du carbone, de l’azote, du phosphore et du soufre. Ils jouent donc un rôle essentiel dans la régénération continue de la biosphère.
Les champignons parasites de protistes et d'invertébrés contribuent à la régulation naturelle des populations d'insectes et d'acariens et de la faune microbienne des sols.
Importance pour les humains
En plus de ces services écosystémiques qui sont mis à profit en agriculture et en foresterie, les champignons jouent un rôle majeur pour les humains, tant sur le plan alimentaire que médical ou économique.
Ils fournissent une source directe de nourriture (champignons comestibles comme les cèpes, les morilles ou les pleurottes) et produisent de nombreuses molécules actives utilisées en médecine (antibiotiques comme la pénicilline, statines), en agriculture (pesticides), ou dans l’industrie (enzymes).
Certaines espèces, comme les levures, sont indispensables à la fabrication du pain, du vin et de la bière, grâce à leur capacité à transformer les sucres en alcool et dioxyde de carbone (CO2) par la fermentation alcoolique.
Mais les champignons peuvent aussi représenter une menace. Ils sont parasites des plantes cultivées et de nombreux animaux, y compris les humains, causant des mycoses et des infections systémiques parfois graves. D'autres sont des moisissures qui peuvent altérer les aliments ou les habitations. Même si la majorité des champignons ne sont pas pathogènes, plusieurs d'entre eux peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur la santé publique, l'agriculture et la biodiversité.
Près de 20 000 espèces sont phytopathogènes et certaines ont un impact économique majeur. On estime que les champignons et les organismes fongiformes, les Oomycètes, peuvent réduire jusqu’à 25 % la production végétale mondiale, en diminuant les rendements, en dégradant la qualité des récoltes ou en produisant des toxines responsables d’intoxications alimentaires. Parmi les maladies fongiques les plus importantes et dévastatrices, on peut citer la rouille du blé, le mildiou de la pomme de terre, les fusarioses, les oïdiums et le chancre du châtaigner.
Enfin, les champignons entomopathogènes, qui parasitent spécifiquement des insectes, sont souvent utilisés en lutte biologique contre les ravageurs des cultures ou les vecteurs de maladies. Ils sont d'importants auxiliaires de la lutte microbiologique. D'autres champignons, parasites ou antagonistes, sont aussi utilisés contre des nématodes, des champignons phyotopathogènes ou des adventices.
Pages liées
- Ascomycètes
- Basidiomycètes
- Autres Fungi
- Organismes fongiformes ou psuedo-champignons
- Lichens (À venir)
- Mycorhyzes
- Agents phytopathogènes (À venir)
- Microorganismes auxiliaires (lutte microbiologique)
- Fongicides
Bases de données
Ephytia, HYPP. Encyclopédie en protection des plantes, Champignons et
organismes apparentés (INRAe) http://ephytia.inra.fr/fr/C/11091/Hypp-encyclopedie-en-protection-des-plantes-Champignons-et-apparentes-Oomycota-Fungi-et-autres
Champis.net - Portail mycologique francophone. https://champis.net
MycoBank Database. www.mycobank.org
MycoDB, Banque de données mycologiques. www.mycodb.fr/
Mycoquébec 3.0. Biodiversité des champignons du Québec. www.mycoquebec.org/
Classification des Fungi
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