Champignons phytopathogènes

Les champignons phytopathogènes causent des maladies aux plantes, appelées maladies fongiques ou cryptogamiques. Leur diversité est immense : on estime leur nombre à au moins 30 000 espèces (Campbell & Reece, 2007), bien que ce chiffre soit probablement largement sous-estimé. Ils constituent la principale cause de maladies des plantes cultivées, représentant 70 à 80 % des maladies des cultures recensées (Zhou et al, 2024). Plusieurs milliers d’entre elles affectent les grandes cultures (céréales, soja, coton, canne à sucre, café, etc.), les cultures maraîchères et vivrières, les arbres fruitiers, les plantes ornementales et les essences forestières. Leur impact économique et agronomique est considérable, tant par les pertes de rendement qu’ils engendrent que par les moyens de lutte nécessaires à leur gestion.

À l'échelle mondiale, on estime que ces champignons détruisent chaque année entre 20 et 40 % des récoltes mondiales (Gurr et Stukenbrock, 2023Max Planck Society, 2024), malgré l'usage intensif des fongicides. Près de la moitié de ces pertes surviennent après récolte, lorsque les organes stockés (grains, semences, fruits, légumes) sont infectés. Certains champignons phytopathogènes produisent également des mycotoxines susceptibles de contaminer les produits agricoles, altérant la qualité des denrées et présentant des risques pour la santé humaine et animale. Les champignons phytopathogènes représentent donc un risque majeur pour la sécurité alimentaire mondiale. Ils sont également très présents dans les écosystèmes naturels, où ils infectent les plantes sauvages et les arbres, avec des impacts écologiques et économiques parfois importants, notamment en foresterie. 

La rouille du blé causée par des champignons basidiomycètes du genre Puccinia (notamment P. graminis) est l'une des maladies fongiques les plus importantes à l'échelle mondiale. La rouille peut détruire jusqu’à 100 % des récoltes dans certaines conditions. Elle touche de nombreux pays et menace la sécurité alimentaire mondiale, le blé étant une des principales ressources alimentaires mondiales. Crédit photo : Mary Burrows, Montana State University, Bugwood.org 

Comme la biodiversité fongique mondiale reste très largement méconnue, la menace fongique sur les productions alimentaires est probablement sous-estimée : de nouveaux pathogènes pourraient émerger, notamment sous l’effet du changement climatique, qui favorise leur dispersion et modifie leur aire de répartition. Pour l’agriculture, cela souligne l’urgence de diversifier les pratiques (variétés résistantes, rotation, agroécologie, surveillance, biocontrôle) plutôt que de compter uniquement sur les fongicides, d’autant que la résistance aux fongicides est un problème croissant (Science Daily 2024)

Les principales maladies des plantes attribuées aux champignons et organismes assimilés sont causées par trois grands groupes : les Ascomycètes et les Basidiomycètes, qui sont de véritables champignons (Fungi), ainsi que les Oomycètes, qui n’en sont pas mais provoquent des maladies similaires chez les plantes. Les autres Fungi ne contiennent que quelques rares phytopathogènes. 

Note : Bien que les Oomycètes ne soient pas des champignons (ils appartiennent aux Stramenopiles), leurs infections ressemblent tellement aux maladies fongiques qu’ils sont traditionnellement étudiés avec les champignons phytopathogènes.


Principales caractéristiques des maladies fongiques

Les champignons phytopathogènes sont des agents particulièrement efficaces. Ils produisent d’importantes quantités de spores, capables pour certaines espèces de survivre dans le sol pendant plusieurs décennies (jusqu’à 40 ans) ou de se disperser dans l’air sur des distances allant de quelques mètres à plusieurs milliers de kilomètres. Ils peuvent infecter l’ensemble des organes de la plante (feuilles, tiges, racines, fruits, etc.) et provoquer des maladies parfois graves, voire mortelles. Ces maladies peuvent entrainer un déclassement de la qualité des productions agricoles et d'importantes pertes de rendement des cultures. 

 

Conservation

Les champignons peuvent survivre longtemps grâce à plusieurs mécanismes et structures spécifiques.

  • Spores résistantes : formes de dissémination très durables, capables de résister aux conditions défavorables (sécheresse, chaleur, froid).
  • Mycélium présent dans le sol, les débris végétaux (feuilles, tiges, racines mortes), les semences et graines.
  • Structures de résistance : sclérotes (masses dures de mycélium), chlamydospores, autres organes de survie permettant au champignon de persister pendant plusieurs saisons, même en l’absence d’hôtes.

 

Modes de transmission

Les champignons se propagent principalement par des propagules (spores sexuées ou asexuées, fragments de mycélium, sclérotes), disséminées par différents vecteurs abiotiques et biotiques.

  • Vent : transport des spores sur de longues distances par le vent, les courants d’air et les poussières atmosphériques (ex. oïdiums, rouilles).
  • Eau : ruissellement, arrosage et irrigation, éclaboussures des gouttelettes de pluie favorisant la propagation locale des spores (taches foliaires, pourritures).
  • Sol : contamination par des spores, sclérotes ou fragments de mycélium présents dans le sol, responsable principalement de maladies racinaires et du collet
  • Semences ou plants infectés : Transmission par graines contaminées ou par matériel végétal infecté, permettant la dissémination à longue distance et/ou l'introduction de maladies dans de nouvelles zones.
  • Contact direct : frottement entre feuilles ou organes infectés et sains, important en cultures denses.
  • Vecteurs biologiques : transport passif des propagules par des insectes (notamment les scolytes), des nématodes ou des oiseaux.
  • Pratiques culturales : propagation par des outils agricoles contaminés lors des opérations culturales (taille, binage, récolte).

 

Conditions favorables au développement des maladies fongiques

Le développement des maladies fongiques est fortement influencé par les facteurs climatiques et culturaux. 

  • Une humidité élevée (pluie, rosée, irrigation) est généralement indispensable à la germination des spores et à l’infection. Les Oomycètes sont souvent liés aux milieux humides. 
  • La température conditionne la vitesse de croissance du champignon
  • Une densité de culture élevée, une mauvaise aération et la présence de débris végétaux infectés favorisent également l’installation et la propagation des maladies.
 

Symptômes et signes

Les maladies fongiques se caractérisent par une grande diversité de symptômes (réactions visibles de la plante à l’infection) qui peuvent varier selon l'espèce de champignon, la plante hôte, l’organe infecté et les conditions environnementales (climat, humidité, température). Ces symptômes sont souvent associés à des signes visibles du champignon qui traduisent sa présence et facilitent le diagnostic phytopathologique.


 Symptômes nécrotiques (destruction des tissus)

  • Taches et brûlures sur feuilles ou fruits
  • Chancres sur tiges, branches ou troncs
  • Pourritures sèches ou molles sur divers organes (collet, racines, fruits, tubercules, bulbes, etc.)

 Symptômes vasculaires (obstruction des vaisseaux conducteurs de sève)

  • Flétrissement des feuilles ou de la plante entière (dessèchement)
  • Brunissement des vaisseaux conducteurs (xylème, phloème)
  • Dépérissement progressif

Décolorations (altération physiologique)

  • Chlorose (jaunissement)
  • Marbrures
  • Stries

Symptômes hypertrophiques / hyperplasiques (croissance anormale des tissus, perturbation hormonale)

  • Balais de sorcière (ex. (ex. Taphrina, Exobasidium)
  • Cloques (ex. Cloque du pêcher)
  • Déformations des feuilles, tiges ou fruits

 Retards de croissance (inhibition de la division et de l’élongation cellulaire)

  • Réduction de vigueur et de croissance
  • Anémie
  • Rabougrissement 

 Signes fongiques visibles (colonisation superficielle des tissus par des champignons biotrophes)

  • Moisissures colorées (blanc, gris, noir, vert)
  • Feutrage mycélien poudreux (oïdium)
  • Pustules sporifères colorées (rouilles) ou noires (charbons)
  • Mycélium noir superficiel (fumagines)
  • Sclérotes
  • Fructifications ou carpophores

Ascomycètes phytopathogènes 

Les Ascomycètes (Ascomycota) constituent le groupe de champignons phytopathogènes le plus important et le plus diversifié en agriculture et en foresterie, avec plusieurs dizaines de milliers d'espèces phytopathogènes. Ils sont responsables de la majorité des maladies fongiques des plantes cultivées et affectent aussi bien les grandes cultures que les cultures maraichères, les arbres fruitiers, les plantes ornementales et les essences forestières. Parmi les maladies les plus importantes qu’ils provoquent figurent les fusarioses, les oïdiums, les tavelures, les septorioses, les anthracnoses et la pourriture grise, auxquelles s’ajoutent diverses brûlures foliaires et chancres affectant des cultures annuelles comme pérennes. 

 

 Principales maladies fongiques causées par des Ascomycètes

Maladies Agents pathogènes (Ascomycota) Principales plantes hôtes Importance
Septoriose du blé Zymoseptoria tritici (anc. Septoria tritici) Blé tendre et dur Principal agent pathogène du blé dans les régions tempérées; pertes de 5 à 50%; traitements fongicides coûteux

Pyriculariose du riz 

Magnaporthe oryzae (syn. Pyricularia oryzae) Riz, blé, millet Une des maladies les plus destructrices du riz (pertes >50%), agent potentiel de guerre biologique
Pourriture grise Botrytis cinerea Plus de 1000 dont vigne (raisins), fraise, tomate, pomme de terre, etc. Pertes post-récolte et de conservation (fruits, légumes, tubercules, fleurs); pourriture noble (vins de raisins sur-mûris)
Fusariose des céréales ou de l'épi Fusarium graminearum Blé, orge, maïs Très destructeur; production de mycotoxines; pertes de rendement et problèmes sanitaires
Fusariose / Flétrissement vasculaire Fusarium oxyporum  Plus de 1000 hôtes dont bananier, cotonnier, melon, tomate, etc. Production de mycotoxines, pertes de rendement et problèmes sanitaires
Oïdium des céréales Blumeria garminis Blé, orge Maladie foliaire difficile à traiter; pertes de rendement et de qualité des grains
Oïdiums (maladies du blanc) Erysiphe spp., Podosphaera spp., Uncinula spp. Plus de 40000 hôtes dont vigne, cucurbitacées, céréales, rosiers, cerisiers, chênes, érables, etc. Maladies très répandues en agriculture et horticulture; baisse du rendement et de la qualité; traitements répétés

Anthracnoses des fruits et légumes

Colletotrichum spp. Plus de 3000 hôtes dont haricot, tomate, fraise, arbres fruitiers (cerisier, (manguier, avocatier), etc.. Tâches brunes, défoliation, altération des fruits et légumes, pourritures après récoltes; pertes de rendement importantes en post-récoltes
Tavelures Venturia inaequalis, V. pirinia Pommier, poirier,  Maladie majeure des vergers; pertes de rendement et baisse de qualité des fruits; traitements répétés et coûteux
Sclérotiniose (pourriture blanche)

Sclerotinia sclerotiorum, S. minor

Tournesol, soja, colza, haricot, laitue, carotte, etc. Formation de sclérotes persistants; très répandue et dévastatrice à travers le monde; pertes économiques importantes; peu de traitements efficaces
Maladie hollandaise de l’orme

Ophiostoma ulmi, O. novo-ulmi

Orme Disparition quasi complète des ormes matures en ville et en forêt; transmis par des scolytes (Coléoptères).
Chancre du châtaignier ou de l'écorce Cryphonectria parasitica

Châtaigniers, chênes, érables, etc.

Destruction des châtaigneraies; grande importance forestière; envahissant en Europe et Amérique du Nord.
Maladie des raies noires (Sigatoka noire) Mycosphaerella fijiensis Bananier Maladie tropicale majeure, pertes de rendement et coût élevé des traitements
Alternariose ou brûlure alténarienne Alternaria spp. Solanacées (pomme de terre, tomate), brassicacées (chou, colza), cucurbitacées, arbres fruitiers, plantes ornementales, etc. Perte de rendement jusqu’à 20–50 % dans les cultures sensibles; pertes en post-récoltes (fruits, légumes racines); risques liés aux mycotoxines
Moniliose (pourriture des fruits) Monilinia fructigena Pommier, poirier, prunier, cacaoyer Pourriture des fruits sur arbre et en stockage; pertes commerciales
Verticilliose ou flétrissement verticillien Verticillium albo-atrum, V. dahliae Plus de 300 hôtes dont coton, pomme de terre, tomate, olivier, plantes ornementales, etc. Flétrissement vasculaire; perte de vigueur et mortalité des plantes
Aspergillose Aspergillus flavus, A. parasiticus Maïs, arachide, céréales stockées, etc. Production d’aflatoxines cancérigènes; pertes économiques majeures

 ➤ En savoir plus sur les Ascomycètes (PestInfos)

 

Basidiomycètes phytopathogènes

Les Basidiomycètes (Basidiomycota) comptent près de 8 000 espèces phytopathogènes (Blackwell M., 2011), souvent très destructrices, responsables principalement de rouilles, de charbons et de pourritures du bois et des racines. Ces maladies affectent particulièrement les cultures céréalières et les arbres fruitiers et entraînent des impacts économiques importants en agriculture et en horticulture.


 Principales maladies fongiques causées par des basidiomycètes

Maladies Agents pathogènes (Basidiomycota) Principales plantes hôtes Importance
Rouille jaune du blé (rouille striée) Puccinia striiformis f. sp. tritici Blé Maladie épidémique très destructrice dans les régions tempérées; perte de rendement significative; agent potentiel de guerre biologique
Rouille noire du blé (rouille des tiges) Puccinia graminis f. sp. tritici Blé, seigle, orge Maladie historique, épidémies mondiales très dévastatrices; pertes massives de 10 à 70%
Rouille brune du blé (rouille des feuilles) Puccinia triticina (syn. P. recondita) Blé Maladie du blé la plus répandue dans le monde; fréquente dans les zones fraîches et humides; pertes de rendement
Rouille brune du maïs Puccinia sorghi Maïs Pertes de rendement modérées à sévères selon conditions climatiques
Rouille orangée du caféier Hemileia vastatrix, H. coffeicola Caféier (Coffea arabica) Pustules oranges sur les feuilles; pertes de rendement; une des maladies les plus dévastatrices des caféiers dans le monde; destruction de plantations historiques (ex : Ceylan)
Rouille asiatique du soja Phakopsora pachyrhizi Soja (soya) Maladie très virulente, la plus dévastatrice du soja en Asie; pertes pouvant dépasser 80 % sans traitement
Carie ou charbon nu du blé Tilletia caries (syn. T. tritici), T. foetida, T. indica Blé, seigle, riz Grains gonflés et malodorants; pertes de rendement; maladie réglementée soumise à la quarantaine
Charbon de l’orge Ustilago hordei, U, nuda Orge Infection systémique, perte totale des épis atteints; réduction du rendement, contamination des semences
Charbon du maïs Ustilago maydis Maïs Galles sur feuilles et épis, pertes variables (parfois utilisé comme aliment : huitlacoche)
Pourridié-agaric Armillaria mellea, A. ostoyae Arbres forestiers et fruitiers (chêne, pin, pommier,etc.)

Pourriture racinaire majeure, dépérissement, mortalité des arbres; importantes pertes dans les plantations forestières, vergers et écosystèmes naturels.

Rouille vésiculeuse du pin Cronartium ribicola Pin blanc (Pinus strobus) Forte mortalité; pertes de biodiversité; coûts élevés en foresterie et en gestion des plantations
Polypore du pin ou maladie du rond Heterobasidion annosumConifères (Pinus spp.)Un des pathogènes forestiers majeurs dans les forêts tempérées de l'hémisphère nord (Amérique du Nord, Europe, Russie, Chine, Japon); pertes économiques pour l'industrie du bois

➤ En savoir plus sur les Basidiomycètes (PestInfos)


Autres champignons phytopathogènes

En dehors des Ascomycètes et des Basidiomycètes, les autres groupes de Fungi comptent peu d'espèces phytopathogènes d'intérêt agronomique et économique.  

Parmi les Chytridiomycota :  

  • Synchytrium endobioticum est un phytopathogène majeur qui cause la galle verruqueuse de la pomme de terre, une maladie d’importance économique et réglementée, soumise à quarantaine. 
  • Olpidium brassicae affecte les racines de diverses plantes cultivées (tomate, tabac, chou, laitue, trèfle) et est l'un des vecteurs de phytovirus les plus importants dans les sols et les cultures maraichères.

Parmi les Mucoromycota, Mucor spp. et Rhizopus spp. sont des agents opportunistes en post-récoltes qui peuvent affecter les fruits ou légumes blessés, trop murs ou conservés dans de mauvaises conditions (humidité, chaleur) en leur causant des pourritures molles. Leur impact économique peut être élevé en conservation et transport de nombreux fruits ou légumes (fraises, pêches, abricots, prunes, bananes, tomates, pommes, poires, champignons de Paris, etc.). 

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Oomycètes phytopathogènes

Bien qu’ils ne soient pas de vrais champignons (Fungi), les Oomycètes phytopathogènes en partagent certains traits et provoquent des maladies de plantes similaires, si bien qu’en phytopathologie on les classe traditionnellement avec les maladies fongiques. Les Oomycètes comptent près de 500 espèces phytopathogènes, principalement responsables de mildious et de pourritures racinaires, dont plusieurs causent des pertes considérables dans les cultures maraichères, horticoles et agricoles. 


 Principales maladies causées par des Oomycètes

Maladie Agent  pathogène (Oomycota) Plantes hôtes Importance
Mildiou de la pomme de terre et de la tomate Phytophthora infestans Pomme de terre, tomate Maladie historique à l'origine de la grande famine de 1840 en Irlande, très destructrice, pertes massives
Mildiou de la vigne Plasmopara viticola Vigne Maladie majeure en viticulture; pertes de rendement et qualité du raisin; nécessite des traitement fréquents (bouillie bordelaise)
Pourriture noire du cacaoyer Phytophthora megakarya Cacaoyer Maladie tropicale sévère; pertes jusqu’à 80 % des récoltes
Fonte des semis (pré- et post-émergence) Pythium spp. Semis de plantes maraichères (salade, tomate, etc.), céréales, plantes ornementales, pins, sapins Maladies ubiquistes des semis, pertes de germination et mortalité des plantules; pertes importantes en pépinières
Mildiou de la laitue Bremia lactucae Laitue Maladie foliaire spécifique, pertes en maraîchage
Pourriture racinaire et du collet Phytophtera spp. Arbres fruitiers, ornementaux, vigne Maladie ubiquiste favorisée par les sols humides; dépérissements
Encre des chênes rougesPhytophthora ramorum Chênes et autres feuillus Maladie surveillée en tant qu’envahissante au Canada; pertes en pépinières
Rouille blanche ou rouille vésiculeuse Albugo candida Brassicacées : chou, moutarde, betterave. navet, radis, etc. Pustules blanches sur les feuilles et tiges; défoliation

➤ En savoir plus sur les Oomycètes (PestInfos)


Lutte contre les maladies fongiques

La lutte contre les champignons et oomycètes phytopathogènes représente un coût économique et un temps de travail importants en agriculture et en foresterie. Elle repose principalement sur la lutte chimique, les pratiques culturales et préventives, ainsi que sur des méthodes physiques et biologiques. Bien que largement utilisée en agriculture intensive, la lutte chimique au moyens des fongicides de synthèse peut avoir des impacts négatifs sur l’environnement et la biodiversité. La combinaison raisonnée de ces différentes approches permet de réduire les pertes de récoltes, de limiter l’apparition de résistances et de diminuer la dépendance aux fongicides.


Lutte génétique

La lutte génétique contre les maladies fongiques des plantes repose principalement sur la sélection variétale et l’amélioration génétique classique. Elle vise à développer des plantes résistantes ou tolérantes aux agents pathogènes, en exploitant la diversité génétique existante.

  • Sélection classique : pratique ancestrale consistant à choisir les plantes les plus performantes en termes de résistance ou de productivité, puis à les croiser sur plusieurs générations pour fixer les caractères souhaités.
  • Amélioration génétique : utilisation raisonnée des croisements et de la recombinaison naturelle des gènes pour combiner et stabiliser différents caractères souhaités (rendement, qualité ou résistance aux pathogènes).
    • Sélection de résistances qualitatives, souvent spécifiques d’un agent pathogène et capables de déclencher une réponse de défense efficace, mais parfois rapidement contournées par l’évolution des champignons ou oomycètes.
    • Sélection de résistances quantitatives, contrôlées par plusieurs gènes, conférant une protection partielle mais généralement plus durable, en ralentissant le développement de la maladie.
Plantes GM résistantes aux champignons et oomycètes

À l’échelle mondiale, très peu de plantes génétiquement modifiées résistantes aux champignons ou aux oomycètes sont effectivement commercialisées ou cultivées. Contrairement aux plantes transgéniques résistantes aux insectes (plantes Bt) ou tolérantes aux herbicides, ces résistances restent le plus souvent au stade expérimental. Cette situation s’explique par la grande variabilité des agents pathogènes, la difficulté d’obtenir des résistances durables, ainsi que par des contraintes réglementaires et sociétales. Les efforts de recherche se concentrent aujourd’hui davantage sur la cisgenèse, l’édition génomique (CRISPR-Cas) et les technologies d’ARN interférence, jugées plus prometteuses et potentiellement mieux acceptées.


Méthodes culturales et préventives

Ces pratiques consistent à limiter les conditions favorables aux champignons phytopathogènes et à réduire leurs sources (inoculums) ou réservoirs potentiels. Elles sont la base de la lutte contre les champignons et oomycètes, car elles agissent avant l’infection.


Choix du matériel végétal

  • Utilisation de variétés résistantes (spécifiques) ou tolérantes (polygéniques) : privilégier les variétés résistantes naturelles.
  • Utilisation de semences, plants et organes de propagation sains, certifiés indemnes de pathogènes.

Gestion de l'environnement des cultures (humidité ambiante)

  • Irrigation et arrosage contrôlés : éviter l’humectation prolongée du feuillage (mildious, pourritures grises, tavelures, rouilles); privilégier l’arrosage localisé par capillarité.
  • Drainage des sols pour éviter les excès d’eau (très utile contre les oomycètes Pythium, Phytophthora).
  • Espacement des plants et semis pour limiter les microclimats humides et les contacts directs entre plantes.
  • Aération des abris et des serres pour réduire l'humidité ambiante.

Hygiène culturale

  • Destruction des résidus végétaux infectés (ne pas composter les déchets contaminés.
  • Débroussaillage et entretien des abords pour limiter les plantes relais et adventices hébergeant les pathogènes.
  • Biofumigation : incorporer des plantes riches en glucosinolates (par exemples, brassicacées comme la moutarde) afin de produire naturellement des composés soufrés volatils antifongiques dans le sol.
  • Désinfection du matériel et des outils (alcool éthylique, eau de javel, etc.).

Gestion du sol

  • Travail du sol pour favoriser la décomposition des résidus et la biodiversité microbienne.
  • Réduction du travail du sol profond afin de préserver la structure, les réseaux mycorhiziens et la microflore bénéfique du sol.
  • Apports réguliers de matière organique (compost, engrais verts) pour soutenir la fertilité et les microorganismes du sol.

Rotation et biodiversité des cultures

  • Rotation des cultures entre plantes hôtes et non hôtes pour réduire l’inoculum et briser les cycles d’infection (utile pour lutter contre les champignons du sol comme Fusarium, Sclerotinia ou Rhizoctonia).
  • Association de variétés ou cultures différentes pour augmenter la diversité génétique et limiter la propagation des pathogènes spécialisés.

 Surveillance et diagnostic précoce

  • Observation sur le terrain pour détecter les premiers symptômes.
  • Utilisation de capteurs connectés, modèles épidémiologiques, drones ou imagerie satellite pour détecter les stress précurseurs (agriculture de précision).
  • Mise en œuvre rapide de mesures prophylactiques ou curatives.


Lutte physique

La lutte physique repose sur l’utilisation de facteurs physiques (température, circulation d’air, humidité, rayonnement, atmosphère contrôlée) pour réduire la croissance, la sporulation ou la viabilité des champignons et oomycètes. Moins courante en agriculture (plein champs), elle est surtout efficace en horticulture, en cultures sous serre, en pépinières, en production de semences ainsi qu'en post récoltes (entrepôts, conservation, transport des fruits ou légumes, etc.).


En pré-récolte (sol, substrats, plantes et semences)

  • Solarisation du sol* : film plastique transparent pour augmenter la température et réduire la viabilité des champignons telluriques (Fusarium, Verticillium, Sclerotinia).
  • Désinfection à la vapeur haute pression du sol* ou des substrats pour éliminer ou réduire les champignons.
  • Traitement thermique des semences : immersion dans l’eau chaude pour détruire les champignons transmis par les graines (Alternaria, Fusarium).
  • Ventilation mécanique en serre (ventilateurs) pour limiter condensation et humidité foliaire, freinant Botrytis et oïdiums.
  • Barrières physiques / paillages pour limiter le contact sol-plante et réduire l’inoculum des champignons du collet et des racines.

Post-récolte (fruits, légumes, semences stockés)

  • Réfrigération ou basse température pour ralentir la croissance et la sporulation des champignons responsables de la détérioration (Botrytis spp., Penicillium spp.).
  • Séchage contrôlé des semences, céréales ou fruits secs pour limiter la germination des spores et la croissance fongique.
  • Flux d’air chaud modéré (chaleur sèche) pour réduire la charge en spores.
  • Atmosphère contrôlée : modification des concentrations en O₂ et CO₂ pour ralentir la croissance et la sporulation des champignons pathogènes.
  • Ventilation pour maintenir un environnement sec et homogène, limitant l’humidité relative et la formation de moisissures, parfois combiné à des déshumidificateurs.
  • Irradiation des fruits et légumes ou des surfaces de stockage par les rayons UV-C (200–280 nm) pour inactiver les spores et mycéliums (Botrytis spp., Penicillium spp., Alternaria spp).
* La solarisation et la désinfection des sols à la vapeur sous pression peuvent détruire une grande partie des microorganismes du sol dont les mycorhizes. 

Lutte biologique (biocontrôle)

La lutte biologique vise à utiliser/à introduire dans les cultures) des microorganismes auxiliaires capables de prévenir ou de réduire le développement des champignons et des oomycètes phytopathogènes. Ces biofongicides agissent selon plusieurs mécanismes complémentaires :
  • Compétition avec les pathogènes pour les nutriments et l’espace.
  • Mycoparasitisme / hyperparasitisme des champignons phytopathogènes.
  • Antibiose : production de métabolites et toxines qui inhibent leur croissance.
  • Stimulation des défenses de la plante ou induction de résistance systémique via des éliciteurs et métabolites secondaires (SDP).

Microorganismes antagonistes utilisables en biocontrôle 

Deux grands groupes sont principalement employés contre les champignons et les oomycètes :
  • Champignons antagonistes
    • Trichoderma spp. : un des biofongicides les plus utilisés, efficace contre de nombreuses maladies du sol (Fusarium, Pythium, Rhizoctonia), contre les pourritures grises (Botrytis) et parfois contre certains oïdiums. 
    • Souches non virulentes de Fusarium et de Pythium : utilisées en compétition pour coloniser la rhizosphère ou les tissus racinaires, réduisant l’installation des souches pathogènes.
    • Etc. 
  • Bactéries antagonistes :  
    • Bacillus spp. (ex. B. subtilis, B. amyloliquefaciens) : très utilisées, production de lipopeptides antifongiques (iturines, surfactines).
    • Pseudomonas spp. : antibiose, compétition dans la rhizosphère, induction de résistance systémique.
    • Streptomyces spp. : production de nombreux antibiotiques, efficaces contre plusieurs maladies comme les fusarioses, les pourritures grises et, pour certaines espèces, les mildious. 
Les microorganismes antagonistes peuvent être appliqués principalement sur les semences (enrobage), dans le sol (arrosage, incorporation de granulés) ou en pulvérisation foliaire (poudres mouillables) selon que la maladie est racinaire ou aérienne. Ils sont utilisés pour coloniser rapidement la rhizosphère ou la surface des plantes, où ils entrent en compétition avec les pathogènes ou les inhibent.
 
Pratiques complémentaires
La lutte biologique ne repose pas seulement sur l’application d’antagonistes spécifiques, mais aussi sur la préservation d’un sol vivant, en santé et fonctionnel capable de limiter naturellement la pression des agents phytopathogènes : plusieurs microorganismes du sol produisent des métabolites antifongiques, entrent en compétition avec les pathogènes ou stimulent les défenses naturelles des plantes. En complément, on peut ajouter des biostimulants ou biofertilisants qui vont coloniser et structurer la rhizosphère, améliorer la croissance, induire une résistance systémique chez les plantes et ainsi aider à réduire l'incidence des champignons et oomycètes phytopathogènes du sol. 
  • Mycorhizes, en particulier les mycorhizes arbusculaires (Glomeromycètes), pour améliorer la santé des racines, renforcer la nutrition minérale et induire une résistance accrue aux maladies du sol. 
  • Bactéries rhizosphériques stimulatrices de la croissance des plantes (PGPR pour  Plant Growth Promoting Rhizobacteria) pour améliorer le développement, la croissance, et/ou la santé du végétal. 
Les mycorhizes et les bactéries PGPR sont appliquées surtout sur les semences (par enrobage), dans le sol ou au repiquage afin de coloniser rapidement les racines. Une fois installées, elles stimulent la croissance, améliorent la nutrition et renforcent la résistance naturelle des plantes aux maladies.
 
 

Lutte chimique (fongicides)

La lutte chimique consiste à appliquer des fongicides afin de protéger les plantes contre les champignons et les oomycètes pathogènes, ou de limiter leur développement une fois l’infection amorcée. Les fongicides peuvent être préventifs ou curatifs et leur action peut être de contact (protection à la la surface des organes) ou systémique (pénétration et diffusion dans les tissus) selon le mode de dispersion dans la plante. Ils ciblent différents stades du cycle de vie des agents pathogènes, comme la germination des spores, la formation d’appressoria, la croissance du mycélium ou la sporulation.

Modes d’application des fongicides

Les fongicides peuvent être appliqués de différentes manières selon la maladie ciblée, le stade de la culture, la plante ou l'organe et la formulation commerciale.

  • Traitements pré-récoltes : 
    • pulvérisations foliaires;
    • enrobage des semences pour protéger les jeunes plantules dès la germination;
    • arrosage racinaire localisé au pied des plantes;
    • incorporation de granules dans le sol avant semis;  
    • injection dans le tronc pour lutter contre les flétrissement vasculaires et les maladies racinaires (surtout utilisé en arboriculture);
    • badigeonnage sur les plaies et blessures de tailles pour éviter les chancres en arboriculture; 
  • Traitements post-récoltes (en entrepôts) :
    • pulvérisation des fruits et légumes récoltés;
    • trempage;
    • enrobage dans des cires.

Certains pesticides à très large spectre d'action (métam-sodium, dazomet, chloropicrine) peuvent aussi être appliqués par fumigation pour stériliser les sols. Mais ce mode d'application qui détruit toute vie dans les sols est réservé aux cultures spécialisées et est très réglementée.

Types de fongicides

On trouve sur le marché de très nombreux fongicides minéraux et organiques, naturels ou synthétiques.

  • Fongicides minéraux ou inorganiques : 
    • Soufre et chaux soufrée
    • Cuivre et composés cupriques (bouillie bordelaise)
    • Bicarbonates de soude ou de potassium
    • Kaolin (argile blanche)

  • Fongicides organiques naturels : 
    • Acides lactique et citrique 
    • Limonène
    • Extraits d'ail 
    • Saponines 
    • Polyoxines 
  • Fongicides de synthèse : 
    • Dithocarbamates
    • Strobilurines
    • Benzimidazoles
    • Fongicides systémiques inhibiteurs de la synthèse des stérols (IBS)
    • Fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI)
    • Etc. 

Les fongicides de synthèse constituent le groupe le plus vaste et sont de loin les plus utilisés en agriculture conventionnelle. Plusieurs fongicides minéraux et certains extraits naturels (biofongicides) sont autorisés en agriculture biologique, même si certains, comme le cuivre, peuvent être nuisibles pour la faune du sol et la santé des écosystèmes à long terme (accumulation de cuivre dans le sol).

Impacts environnementaux et sanitaires

Toxiques et souvent persistants, de nombreux fongicides de synthèse peuvent être nuisibles pour les écosystèmes naturels, en particulier pour les champignons bénéfiques du sol comme les mycorhizes. Même s’ils sont généralement moins toxiques que les insecticides et les herbicides, les fongicides et leurs résidus peuvent contaminer l’eau, les sols et les aliments, et présenter des risques pour la santé humaine.

Résistance des agents pathogènes

Comme pour les autres classes de pesticides, l'utilisation intensive de fongicides induit rapidement de plus en plus de résistances chez les champignons phytopathogènes cibles. Il est donc essentiel de limiter leur utilisation, de les employer de façon raisonnée et de privilégier les applications en dernier recours seulement. L’utilisation de fongicides à modes d’action multiples (multi-sites) réduit le risque d’apparition de résistances.

➤ La gestion du risque de résistance repose sur l’alternance des modes d’action. Pour les détails, les modes d'action et les familles complètes de fongicides, voir ma page Fongicides (PestInfos).

Produits à faible impact et extraits végétaux

D’autres produits commerciaux possèdent des propriétés antifongiques tout en étant classés comme antitranspirants, lustrants foliaires, biostimulants ou stimulateurs de défenses naturelles des plantes (SDN):

  • Extraits de Reynoutria sachalinensis (ex. Milsana)
  • Chitosane (cuticule de crustacées) 
  • Poudres d’ail
  • Extraits d’algues brunes  (laminarine).
  • Extrait de graines de Fenugrec ou trigonelle

Plusieurs extraits végétaux fermentés (purins) ou aqueux (décoction, infusion, macération) peuvent être utilisés pour réprimer ou prévenir diverses maladies fongiques (PestInfos, 11/2020). Ces derniers ont l'avantage d’être facile à produire à partir de plantes fraîches et de pouvoir être utilisés à l'échelle d'un jardin ou potager.


Références

Benjamin, J., Oyedokun, D.O., Oziegbe, E.V. et al. Cereal production in Africa: the threat of current plant pathogens in changing climate-a review. Discov Agric 2, 33 (2024). https://doi.org/10.1007/s44279-024-00040-3
 
Stukenbrock E., Gurr S.J., 2023. Address the growing urgency of fungal disease in crops. Nature, 2 May 2023. https://www.nature.com/articles/d41586-023-01465-4 

Technical University of Munich (TUM). Climate change: Fungal disease endangers wheat production. ScienceDaily, 4 February 2024. www.sciencedaily.com/releases/2024/02/240201121755.htm.

Zhou P. et al., Progress in Research on Prevention and Control of Crop Fungal Diseases in the Context of Climate Change. Agriculture 2024, 14(7), 1108. https://doi.org/10.3390/agriculture14071108 



Olivier Peyronnet
Décembre 2025 

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