Les Ascomycètes et les Basidiomycètes constituent la très grande majorité des espèces de champignons connues (soit près de 90%). Cependant, le règne des Fungi comprend aussi plusieurs autres lignées de champignons microscopiques, souvent plus basaux ou très spécialisés, qui jouent des rôles essentiels dans les écosystèmes terrestres et aquatiques. Selon les classifications phylogénétiques les plus récentes, ces autres champignons se répartissent en une quinzaine de phyla. Parmi les mieux étudiés et les plus importants d'un point de vue écologique, agricole ou sanitaire, on peut citer :
- Mucoromycota (moisissures communes)
- Glomeromycota (mycorhizes arbusculaires)
- Zoopagomycota (parasites d’invertébrés ou de protistes)
- Kickxellomycota (saprophytes du sol)
- Entomophthoromycota (parasites obligatoires d'insectes et d'acariens [entomopathogènes])
- Chytridiomycota (champignons aquatiques primitifs)
- Blastocladiomycota (champignons aquatiques et terrestres)
- Neocallimastigomycota (champignons anaérobies du rumen)
- Microsporidia (parasites intracellulaires obligatoires)
Mucoromycota
Autrefois classés dans les Zygomycètes, les Mucoromycota sont des champignons filamenteux (ramifiés), caractérisés par un mycélium coenocytique, une reproduction asexuée par la formation de sporanges et, chez plusieurs espèces, une reproduction sexuée par zygospores. Ils regroupent plusieurs centaines d'espèces, pour la plupart des moisissures saprophytes à croissance très rapide, largement répandues dans les sols, la matière en décomposition (excréments, fumiers) et sur les denrées alimentaires. Ces champignons sont d'importants décomposeurs, bien que la plupart d'entre eux soient incapables de dégrader la cellulose.
Certains sont des parasites de plantes, d'autres de champignons ou d'animaux. Enfin, certains espèces d'Endogonales (Endogone spp.) sont symbiotiques et forment des ectomycorrhizes avec les racines des conifères (pins, sapins, épicéas).
Les Mucorales sont les plus représentatives et les plus connues, en raison de leur importance écologique, alimentaire ou sanitaire. Elles rassemblent la majorité des moisissures communément observées dans les environnements riches en matière organique et les denrées alimentaires. Les espèces du genre Mucor et Rhizopus
peuvent aussi se développer très rapidement sur le pain, les fruits blessés ou trop murs (fraises, tomates, pêches), les tubercules et les
semences, qui sont stockés en atmosphère confinée ou dans de mauvaises
conditions (chaleur, humidité). Leur impact économique en post récolte peut être élevé, notamment lors de la conservation en entrepôts et du transport des fruits et légumes.
Ces moisissures n'attaquent presque jamais des tissus végétaux sains. Opportunistes, elles peuvent devenir des parasites secondaires ou coloniser des organes végétaux blessés ou affaiblis. Certaines espèces sont également capables de provoquer des infections graves chez les personnes immunodéprimées, appelées mucormycoses ou "mycoses noires".
Si plusieurs de ces moisissures sont à l'origine de problèmes sanitaires ou d'altérations sur des produits alimentaires comme les fruits ou les fromages, d'autres sont utiles pour la production alimentaire. Par exemple, Rhizopus oligosporus sert à produire le tempeh, un produit alimentaire traditionnel à base de soja fermenté, originaire d'Indonésie tandis que R. oryzae est utilisé pour fabriquer de l'alcool de riz ou produire de l'acide lactique en Chine.
| Pilobolus est un Mucoromycète coprophyle qui décompose le fumier. Il produit des sporanges portés par des vésicules remplies d'eau qui s'orientent vers la lumière (phototropisme). Lorsque les vésicules éclatent, les sporanges sont projetés à quelques mètres dans l'herbe fraîche qui se recouvre alors de spores asexuées. Celles-ci sont ingérées par les herbivores, puis disséminées par leurs excréments. Crédit photo: Sava Krstic, Mushroom Observer, via Wikipédia |
Proches des Mucoromycota, les Mortierellomycotina sont champignons saprophytes du sol très fréquents dans les litières, les racines et les rhizosphères.
Glomeromycota
Proches des Mucoromycota, les Glomeromycota (gloméromycètes) regroupent de 150 à 200 espèces, formant presque exclusivement des mycorhizes arbusculaires avec les plantes. Une exception notable est Geosiphon pyriformis, qui établit une association symbiotique particulière avec une cyanobactérie et forme une structure analogue à un lichen. Ces champignons mycorhiziens produisent de grandes spores asexuées globuleuses. Leur mode de reproduction sexuée demeure inconnu, aucune structure sexuée n’ayant été observée à ce jour.
La quasi totalité des Gloméromycètes forment des endomycorhizes à arbuscules (ou vésiculo-arbusculaires) avec la majorité des plantes vasculaires terrestres. Ils colonisent leurs racines et facilitent l’absorption de l'eau et des nutriments (en particulier le phosphore), en échange de sucres produits par la plante.
Selon les estimations, 70 à 90% des plantes vasculaires terrestres, dont la la plupart des plantes cultivées (céréales, légumineuses), entretiennent une relation symbiotique avec une ou plusieurs espèces de Glomeromycètes. Les Brassicacées (choux), les Chénopodiacées (épinards) et les Caryophyllacées (œillets) sont parmi les rares plantes à ne pas entretenir de telles relations symbiotiques avec eux. De ce fait, les Gloméromycètes jouent un rôle écologique majeur dans les sols et en agriculture.
Ils sont essentiels à la croissance de la plupart des plantes cultivées et des arbres, surtout dans les sols pauvres, perturbés ou secs, et ils améliorent leur tolérance au stress hydrique (sécheresse) et leur résistance aux agents pathogènes. En formant des réseaux mycorhiziens qui connectent différentes plantes, ils renforcent aussi la communication chimique entre plantes, ce qui peut stimuler leurs défenses naturelles.
Par leur action, ils ont aussi un rôle important dans la structure et la productivité des sols, en favorisant leur agrégation et en stimulant leur activité microbienne. En particulier. ils produisent une glycoprotéine, la glomaline, qui agit comme un « ciment » biologique des agrégats et augmente la stabilité et les réserves nutritives du sol.
Certaines entreprises de biotechnologie agricole produisent et commercialisent des biofertilisants contenant des champignons Glomeromycota, pour renforcer la croissance des cultures (céréales, légumineuses, tomates, fraises, arbres fruitiers, plantes ornementales) et améliorer la santé des sols. Ils sont cultivés en association avec des plantes hôtes (ils ne se cultivent pas sur des milieux artificiels), puis sont appliqués de différentes manières selon les cultures.
➤ Pour en savoir plus sur les Glomromycota : www.smnf.fr/wp-content/uploads/2020/10/SMNF_92_01_17_GLOMERO_EBook.pdf
Zoopagomycota
Auparavant classés parmi les Zygomycètes, les Zoopagomycota sont des champignons filamenteux principalement parasites obligatoires ou facultatifs, caractérisés par un mycélium cloisonné et des zygospores. Ils sont présents surtout dans les sols humides, riches en matière organique et sur les petits arthropodes et microorganismes du sol. Ces champignons parasitent de manière très spécifique les rotifères, les protozoaires (amibes) et les petits invertébrés tels que les nématodes, jouant un rôle important dans la régulation des populations microbiennes du sol. Certaines espèces prédatrices biotrophes capturent leurs proies à l'aide d'anneaux collants.
Kickxellomycota
Parfois inclus dans les Zoopagomycota, les Kickxellomycota sont pour la plupart des saprophytes qui vivent dans les sols, le fumier ou les débris organiques. Ils se distinguent par un mycélium ramifié plus ou moins cloisonné, c'est à dire dont les cloisons présentent des pores lenticulaires. Ils se reproduisent principalement de manière asexuée par spores ou conidies (pouvant être portées chez certaines espèces par des sporocystes), plus rarement de manière sexuée par zygospores.
Plusieurs Kickxellomycota présentent des adaptations spécialisées. Certaines espèces appelées, appelées trichomycètes, notamment parmi les Harpellales et les Asellariales, vivent comme endosymbiotes ou commensaux dans le tube digestif d’arthropodes, principalement des larves d'insectes aquatiques et certains coléoptères. D’autres, plus rares, principalement des Dimargaritales, sont des mycoparasites, parasitant d’autres champignons.
Entomophthoromycota
Parfois inclus dans les Zoopagomycota, les Entomophthoromycota sont majoritairement des parasites obligatoires d'arthropodes (insectes, acariens), contribuant à la régulation naturelle des populations d'insectes. Parmi eux, les Entomophthorales regroupent différentes espèces entomopathogènes (Entomophthora spp., Entomophaga spp., Zoophthora spp.), qui infectent spécifiquement des insectes, et dont certaines sont utilisées ou étudiées comme auxiliaires de la lutte biologique contre des insectes ravageurs (mouches, chenilles, criquets, pucerons, etc.).
Ces champignons entomopathogènes produisent des spores asexuées (conidies), qui infectent de nouveaux insectes hôtes et, parfois des zygospores très robustes capables de survire dans les sols. Après avoir adhéré à la cuticule de l'insecte, les spores germent et le mycélium prolifère à l'intérieur et à l'extérieur de l'hôte. Certaines espèces sont très spécialisées et peuvent même parfois manipuler le comportement de leur hôte pour favoriser la dissémination de leurs spores.
Chytridiomycota
Appelés aussi chytrides, les Chytridiomycota ou Chytridiomycètes sont des champignons primitifs, majoritairement aquatiques. Unicellulaires ou à thalle très peu différencié, ils se reproduisent de manière asexuée en produisant des spores uniflagellées, appelées zoospores, ce qui leur permet de nager et de se mouvoir dans l'eau, assurant ainsi leur dissémination dans milieux aquatiques et liquides.
Principalement saprophytes, ils vivent dans les sols et environnements humides ou les milieux aquatiques (mares, étangs, rivières) en participant à la décomposition de la matière organique. Certaines espèces peuvent parasiter des plantes, des fougères, des mousses ou des algues ou encore des amphibiens.
- Synchytrium endobioticum est un agent phytopathogène qui cause la galle verruqueuse de la pomme de terre, une maladie d'importance économique, soumise à quarantaine.
- Olpidium brassicae infecte les racines de diverses plantes cultivées (tomate, tabac, chou, laitue, trèfle), mais ses symptômes sont rarement graves. Il est surtout l'un des plus importants vecteurs de phytovirus. Ses zoospores adsorbent les particules virales et les introduisent dans les cellules racinaires qu’elles infectent. Très persistant dans les sols, il a un impact élevé dans les cultures maraichères. Sa classification au sein des Chytridiomycota reste toutefois incertaine. Selon les récentes classifications, les Olpidiaceae constituent un phylum distinct, Olpidiomycota.
- Batrachochytrium dendrobatidis est responsable de la chytridiomycose, une maladie émergente mortelle qui affecte les amphibiens, en bloquant leurs organes respiratoires. Elle décime les populations d’amphibiens et contribue à leur déclin dans le monde entier (Amériques du Nord et centrale, Europe, Australie, Brésil, Japon, Chine).
Blastocladiomycota
Proches des Chytridiomycota, mais plus évolués, les Blastocladiomycota ont des thalles plus développés (mycéliums non cloisonnés) et des cycles de vie plus complexes, avec des zoospores uniflagellées très mobiles et résistantes pour se propager et des gamètes flagellés pour la reproduction sexuée. Comme les chrytides, ils sont majoritairement saprophytes et vivent dans des milieux humides ou aquatiques. Certains sont communs dans les sols tropicaux, les mares et les rizières (Allomyces spp.). D'autres peuvent parasiter des algues, des protistes ou de petits invertébrés aquatiques comme des larves d'insectes ou des daphnies (Coelomomyces spp.ou Coelomycidium spp.). Coelomomyces spp. sont parfois utilisés en biocontrôle pour lutter contre les moustiques vecteurs de maladies, leurs larves étant aquatiques.
Sous les climats chauds et humides ou tropicaux ou dans les sols mal drainés, Physoderma maydis est responsable de la maladie des taches brunes du maïs.
Neocallimastigomycota
Très spécialisés, les Neocallimastigomycota sont des champignons anaérobies obligatoires qui vivent dans le rumen ou panse des ruminants (vaches, chèvres, moutons, cervidés). Ils y jouent un rôle important en participant à la digestion des fibres végétales, de la cellulose et de la lignine. Leurs zoospores possèdent plusieurs flagelles et sont adaptées aux milieux anoxiques (sans oxygène).
Microsporidia
Extrêmement spécialisées, les Microsporidies sont des parasites intracellulaires obligatoires, voire des hyperparasites (parasites de parasites) de très nombreux eucaryotes : protistes, arthropodes (insectes, crustacés), vertébrés (poissons, mammifères et humains). Dépourvus de mitochondries, ces organismes unicellulaires anaérobies forment des spores qui peuvent survivre en dehors des cellules hôtes. Ces spores possèdent un tube polaire spécialisé qui injecte le sporoplasme (cytoplasme de la spore contenant le matériel infectieux) dans la cellule hôte, où elles germent et se développent.
Les Microsporidies sont des pathogènes importants en aquaculture (crevettes, saumons) et en apiculture. Plusieurs espèces du genre Nosema sont entomopathogènes :
- Nosema apis infecte les abeilles et peut décimer des ruches.
- Nosema bomycis parasite les vers à soie (chenilles de Bombyx mori).
- Nosomea locustae infecte les criquets. Aux États-Unis, N. locustae est utilisé comme auxiliaire de lutte biologique contre les invasions de criquets.
Certaines espèces (Encephalitozoon spp. Enterocytozoon spp.) sont des pathogènes humains, surtout chez les personnes immunodéprimées, qui peuvent causer divers troubles digestifs, pulmonaires, oculaires ou nerveux.
Sources
Pour en avoir plus sur les classifications phylogénétiques les plus récentes :

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