Maladies infectieuses à transmission vectorielles
Les principales maladies infectieuses transmises par les insectes et acariens hématophages sont :- des maladies parasitaires, causées par des protozoaires, telles que la malaria ou paludisme (Plasmodium spp.), la maladie de Chagas et la maladie du sommeil (trypanosomes) ou les leishmanioses (leishmanies)
- des filarioses, dues à des nématodes appelés filaires, comme la filariose lymphatique ou éléphantiasis et l'onchocercose ou cécité des rivières
- des maladies virales, causées par des arbovirus (pour arthropod borne virus), telles que la dengue, la fièvre jaune, diverses encéphalites, la fièvre du Nil occidental (virus du Nil occidental), le chikungunya ou le virus zika.
- des maladies bactériennes comme la maladie de Lyme, des borrélioses et des rickettsioses.
Ces maladies sont particulièrement répandues dans les régions tropicales ou sous tropicales. On estime à plus de 700 millions le nombre de personnes qui en sont infectées dans le monde. Avec 208 millions de cas et 627 000 décès en 2012, la malaria, qui est transmise par des moustiques anophèles (Anopheles spp.), est celle qui fait le plus de victimes, principalement en Afrique de l’Ouest. Près de la moitié de la population mondiale y est exposée.
La distribution des maladies vectorielles dépend essentiellement de la bioécologie des vecteurs, qui est liée à l’eau (zones humides, mares), aux régimes des précipitations et aux températures. Contrairement aux ravageurs agricoles ou forestiers, dont les populations doivent être importante pour occasionner des dégâts significatifs, les vecteurs de maladies peuvent être très virulents à de faibles densités. Bien que la plupart de ces maladies soient endémiques (habituelles) dans plusieurs régions, la prolifération et propagation des vecteurs est à l'origine de graves flambées épidémiques.
Dans le contexte des changements climatiques et de la mondialisation des échanges, les maladies vectorielles ont tendance à progresser et à apparaître dans des zones géographiques, épargnées jusqu’alors. La hausse sensible des températures pourrait favoriser la progression de certains vecteurs et parasites vers le Nord et la recrudescence de certaines maladies, voir l'émergence de nouvelles maladies. Les récentes progression du Chikungunya ou du virus du Nil occidental (VNO), transmis par des moustiques, ou de la maladie de la Lyme véhiculées par les tiques dans les régions tempérées en sont des exemples criants. Selon, l'OMS, la dengue, dont le vecteur est un moustique (Aedes spp.), est la maladie qui se propage le plus rapidement à l'échelle de la planète et près de 40 % de la population mondiale y est aujourd'hui exposée.
Protection et lutte contre les vecteurs
Pour plusieurs maladies vectorielles comme la malaria ou la dengue, il n'existe pas de vaccin efficace, et parfois même, de traitements curatifs. De fait, la protection personnelle contre les piqûres des vecteurs reste le moyen le plus efficace pour prévenir la transmission des maladies. Celle-ci se fait notamment par le biais de moustiquaires imprégnées ou non d'insecticides, le port de vêtements longs ou l'emploi d'insectifuges (répulsifs) de synthèse (N-N diéthyltoluamide ou DEET) ou naturels (citronnelle, lavande, eucalyptus). Localement, des plantes indigènes peuvent aussi être utilisées pour éloigner les moustiques et autres insectes piqueurs. Pour les populations les plus exposées à la malaria et les voyageurs, il existe aussi des traitements antipaludiques préventifs de courte durée. Les traitements contre les crises de paludisme, quant à eux, sont plus ou moins efficaces selon les régions et la résistance des parasites.
Pour prévenir la propagation à grande échelle de ces maladies et combattre les flambées épidémiques, la lutte contre les vecteurs (lutte antivectorielle) se fait principalement par :
- l'épandage d'insecticides de synthèse (organochlorés, organophosphorés, carbamates, pyréthrinoïdes) ou de larvicides biologiques (Bacillus thuringiensis israelensis ou Bti)
- l’élimination physique des gîtes de reproduction des vecteurs (eaux croupies et stagnantes)
- l'amélioration des conditions sanitaires comme les accès à l'eau potable.
Toutefois, l'utilisation d'insecticides chimiques reste très controversée, comme en témoigne l'histoire du DDT. D'une part, ils ont des effets secondaires néfastes sur l'environnement et la santé humaine. D'autre part, ils entraînent très souvent une accoutumance ou résistance des vecteurs, ce qui contribue à augmenter l'incidence des maladies. Les méthodes de lutte biologique, qui font appel aux ennemis naturels des vecteurs (prédateurs et parasites entomopathogènes), et de lutte génétique par l'introduction de mâles stériles ou de moustiques modifiés génétiquement sont en plein développement.
À Bali, en Indonésie, des fumigations régulières d'insecticides servent à prévenir la propagation de maladies vectorielles comme la dengue. Crédit: OMS / B. Chandra (libre de droits) |
Des poissons larvivores sont élevés dans des cuves de béton afin d'ensemencer les plans d'eau pour lutter contre la propagation des moustiques. Crédit: OMS /TDR M. Nathan (libre de droits) |
Principaux vecteurs
Moustiques (Diptères - Culicidae)
Parmi les quelques 3 000 espèces de moustiques disséminées sur toute la surface du globe, plusieurs jouent un rôle prépondérant dans la transmission de maladies vectorielles (malaria, dengue, fièvre jaune, filarioses). Les moustiques adultes, mâles ou femelles, sont nectarivores, et de ce fait participent à la pollinisation des plantes à fleurs. Seules les femelles ont un régime hématophage, indispensable à la maturation de leurs œufs. Ce sont donc elles qui ont un rôle actif, lorsqu'elles sont infectées, dans la transmission des maladies. Leurs larves étant aquatiques, les milieux humides comme les abords des cours d’eau et des lacs, les rizières, les marécages, les flaques et les marres sont leur gîtes de prédilection. Bien qu’ils ne soient pas tous des vecteurs, les moustiques sont habituellement de redoutables piqueurs qui nuisent au confort des hommes et des animaux. C'est le cas des maringouins qui pullulent dans les régions boréales, lors de la courte saison d'été.
Les flaques d'eau croupies sur le sol sont des gîtes larvaires des moustiques vecteurs de la dengue et du paludisme. Crédit: OMS/J. Guamac |
Les moustiques du genre Aedes sont responsables de la transmission de nombreuses arboviroses comme la dengue et la dengue hémorragique (A. aegypti, A. albopictus), la fièvre jaune (A. aegypti, A. africanus, A. simpsoni) ou le chikungunya (A. albopictus). Les moustiques A. africanus et A. simpsoni vivent dans les forêts tropicales et humides tandis que A. aegypti et A. albopictus sont surtout présents dans les milieux ouverts et urbains, où ils affectionnent les eaux croupies dans les vieux pneus et les boites de conserves abandonnées. A. albopictus se rencontre aussi dans les régions tempérées. Ils piquent habituellement pendant la journée, surtout tôt le matin en en fin d’après-midi.
Les anophèles (Anopheles spp.) sont les vecteurs des parasites protozoaires du genre Plasmodium qui sont responsables du paludisme ou malaria. Ces moustiques peuvent aussi transmettre diverses arboviroses et filarioses locales. A. gambiae, qui affectionne la moindre flaque d'eau, y compris en ville, est le principal vecteur de la malaria en Afrique (où sont recensés 90 % des cas) tandis que A. darlingi sévit dans les forêts d'Amérique centrale et du Sud et A. culicifacies en Asie. Les anophèles piquent la nuit, principalement de minuit au crépuscule, et de préférence les humains. Les femelles s'infectent en aspirant le sang d'un humain infecté. Le parasites protozoaires se transforme et se multiplie à l’intérieur des moustiques. À l'issue de ce cycle qui dure de 5 à 15 jours, les anophèles peuvent transmettre la maladie. Suite aux épandages d'insecticides, les phénomènes de résistance se multiplient chez anophèles. En 2012, des espèces résistantes, à un ou plusieurs insecticides étaient recensées dans une soixantaine de pays.
Les moustiques du genre Culex sont des vecteurs du virus du Nil occidental (C. pipiens, C. tarsis), de diverses encéphalites virales et de filarioses lymphatiques comme l’éléphantiasis (C. quinquefasciatus). Ces moustiques sont fortement associés aux activités humaines et à l’urbanisation, et certains d’entre eux affectionnent même les eaux polluées par les matières organiques. Le moustique commun (C. pipiens) est le principal vecteur du VNO en milieu urbain dans les régions tempérées (Canada, Europe). Très fréquente en Asie du Sud-est, l’encéphalite japonaise est transmise par C. tritaeniorhynchus qui se reproduit dans les rizières et les zones irriguées. En général, les Culex piquent de préférence les animaux comme les porcs et les oiseaux qui sont souvent des réservoirs des arbovirus.
Redoutables piqueurs qui nuisent au confort des villageois africains, les moustiques du genre Mansonia ne sont des vecteurs potentiels de certaines filarioses que dans le Sud-est asiatique, particulièrement en Malaise.
Mouches et moucherons (Diptères)
Les glossines ou mouches tsé-tsé (Glossina spp. - Glossinidae) peuvent transmettre la maladie du sommeil ou trypanosomiase africaine chez l’homme, les animaux domestiques (bétail) et la faune sauvage. Présentes uniquement en Afrique subsaharienne, les mouches tsé-tsé vivent dans les forêts humides et ombragées ou dans les savanes. Elles piquent principalement pendant le jour. Les taux d’infection lors d’une piqûre de glossine infectée sont relativement faibles (moins de 20 %).
Mouche tsétsé adulte (Glossina morsitans) - Crédit photo : Alan R Walker, Travail personnel - Sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 via Wikimedia Commons |
Petits moucherons noirs typiques des zones très humides, les simulies (Simullium spp. – Simuliidae) peuvent propager plusieurs filarioses comme l’onchocercose ou cécité des rivières qui sévit en Afrique subsaharienne (S. damnosum) ou en Amérique centrale (S. ochraceum, S. metallicum). La maladie est due au nématode parasite Onchocerca volvulus. Les simulies se déplacent habituellement en essaims le long des rives des cours d'eau agités. Les morsures diurnes de certaines espèces de mouches noires peuvent en outre provoquer de fortes réactions allergiques.
Diptères de très petites tailles, les phlébotomes (Phlebotomus spp. et Lutzomyia spp. - Psychodidae) sont des vecteurs potentiels des leishmanioses cutanées et viscérales et d’arboviroses. Présents dans les régions du pourtour méditerranéen, au Moyen-Orient, en Amérique centrale et du Sud, particulièrement au Brésil, ils piquent à la tombée de la nuit aussi bien l’homme que des animaux comme le chien. Les Phlemotomus affectionnent les habitations insalubres tandis que les Lutzomya vivent dans les forêts.
Enfin, parmi les Tabanides, qui regroupent les taons ou mouches à chevreuil, deux espèces du genre Chrysops (C. silacea et C. dimidiata) sont des vecteurs de la filariose à loa loa ou loase qui sévit dans les forêts marécageuses d’Afrique occidentale, principalement au Cameroun.
Punaises (Hémiptères - Hétéroptères)
Plusieurs espèces de punaises hématophages (Panstrongylus spp., Triatoma spp. et Rhodnius spp. - Reduviidae), appelées réduves ou triatomes, peuvent potentiellement transmettre un parasite protozoaire, le trypanosome Trypanosoma cruzi, responsable de la maladie de Chagas ou trypanosomiase américaine. Les réduves infectées sévissent seulement dans les régions tropicales d'Amérique du Sud et centrale, principalement en milieu rural et en périphérie des villes. Se cachant le jour dans les fissures des habitations, elles sortent la nuit pour piquer et se nourrir de sang. La transmission du trypanosome se fait par leurs déjections infectées, qu'elles déposent à proximité des piqures.
Rhodnius prolixus est le principal vecteur de la maladie de Chagas en Amérique centrale. Crédit: Sous licence Public domain via Wikimedia Commons |
D’autres espèces de punaises hématophages comme les punaises du lit (Cimex spp. - Cimicidae), qui prolifèrent dans les grandes métropoles de la planète, peuvent aussi piquer l’homme sans toutefois leur transmettre des maladies. Leurs piqûres nocturnes peuvent provoquer des inflammations locales douloureuses.
Puces et poux
Les puces (Siphonaptères) et les poux (Phtiraptères - Anoploures) ont en commun d'être des insectes hématophages piqueurs suceurs et ectoparasites de l'homme.
Très ubiquistes, les puces parasitent aussi bien les rongeurs, le chien et le chat que l'homme. En plus de provoquer des démangeaisons désagréables, elles peuvent transmettre des fièvres virales ou des maladies bactériennes comme la maladie des griffes du chat ou la peste. Autrefois à l'origine d'épidémies très meurtrières, la peste, qui est causée par la bactérie Yersinia pestis, est aujourd’hui peu répandue, à l'exceptions de quelques foyers en Afrique (Madagascar, Congo) et en Inde. Toutefois, selon l'OMS, la peste serait réémergente.
La puce du rat, Xenopsylla cheopis, est le principale vecteur de la peste. Crédit: Ske at fr.wikipedia, transferred from fr.wikipedia Sous licence Public domain via Wikimedia Commons |
Les tiques sont des acariens hématophages ectoparasites de nombreux vertébrés animaux comme les mammifères, y compris l'homme, les oiseaux et les reptiles. Après avoir passé une partie de leur cycle biologique au sol ou dans la végétation, elles parasitent des animaux en s'accrochant à eux pendant 4 à 5 jours pour se nourrir de leur sang. C'est à cette occasion qu'elles peuvent transmettre plusieurs maladies bactériennes, comme la maladie de Lyme et les rickettsioses ou fièvres à rickettsies, ou virales comme la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. La maladie de Lyme, qui est causée par la bactérie Borrelia burgdorferi, est en pleine expansion dans les régions tempérées de l'hémisphère Nord, particulièrement en Europe et en Amérique du Nord (y compris dans le sud du Québec).
Ressources externes
Les maladies à transmission vectorielle (Organisation mondiale de la santé - OMS) :
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/vector-borne-diseases
Maladies à transmission vectorielle (Santé publique France) :
https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle
Olivier Peyronnet
Dernière mise à jour : décembre 2022
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