Les conditions climatiques de l'été dernier en Camargue (une longue sécheresse suivie de fortes pluies) avaient favorisé la pullulation des "moustiques des champs", dont Aedes caspius, une espèce particulièrement agressive vis-à-vis de l'homme. Les marais et marécages de Camargue, jusqu'à présent préservés de tout traitement insecticide, sont un terrain fertile pour cette espèce qui pond lorsque les sols sont asséchés et dont les oeufs, très résistants, éclosent lorsque les sols sont mis en eau, mais aussi pour la quarantaine d'autres espèces de moustiques dont A. detritus et Culex pipiens. L'inconfort grandissant des citoyens des villes riveraines du parc naturel, et la crainte de propagation du virus du Chikungunya suscitée par la récente épidémie à la Réunion et l'apparition de son vecteur, A. albopictus, dans les Alpes Maritimes, ont conduit les autorités régionales à envisager pour la première fois une démoustication partielle et expérimentale de la Camargue. L'insecticide utilisé sera le populaire larvicide "biologique" Bti (Bacillus thuringiensis israelensis) dont les toxines sont réputées être beaucoup moins nocives pour l'environnement que les organophosphorés. Un centre de recherche privé spécialisé dans la conservation et la restauration des zones humides méditerranéennes, la station biologique de la Tour du Valat, sera en outre chargée d'étudier les impacts à long terme des traitements larvicides sur ces écosystèmes et leur faune, particulièrement les populations d'insectes, d'oiseaux et de poissons. Le cœur de la réserve naturelle (soit environ 30 000 ha) en demeure toutefois exclue. Le maintien de zones non traitées est en effet nécessaire pour éviter ou retarder l'apparition des phénomènes de résistance des moustiques aux insecticides qui se multiplient à travers le monde. Un environnement naturel non traité constitue un réservoir de moustiques sensibles qui permet de "diluer" les souches devenues résistantes dans les zones traitées. Cependant, Mylène Weill, chercheuse à l'Institut des sciences de l'évolution de l'Université de Montpellier prévient que cette stratégie de "dilution de la résistance" n'est efficace que si les souches résistantes ont un coût métabolique plus élevé et des facultés reproductrices plus faibles que les souches sensibles. Or la multiplication des cas de résistance dans le monde, le plus souvent suite à de mauvaises pratiques, fait craindre l'apparition et la propagation de souches "super résistantes" avec de bonne capacités adaptatives. Ainsi, en Tunisie, une campagne de démoustication systématique et intensive de larges zones touristiques a conduit en seulement 2 ou 3 ans à l'apparition de moustiques totalement résistant aux toxines "bioinsecticides" issues de la bactérie Bacillus spahericus. Aux États-Unis même, où depuis 1999 des opérations "raisonnées" de contrôle des vecteurs du virus du Nil occidental sont menées chaque année, certaines populations de moustiques sont localement devenues résistantes au Bti. Les opérations de démoustication de la Camargue s'annoncent donc très délicates et devront être menées avec beaucoup de précautions d'autant plus que le réchauffement climatique pourrait favoriser la propagation de nouvelles espèces. Les spécialistes recommandent généralement une campagne de démoustication seulement en cas de menaces sérieuses d'épidémie et préconisent plutôt le drainage des eaux stagnantes et la restauration des écosystèmes naturels comme mesures préventives. (OP) ; Source : LeMonde.fr (29.05.06) [Lire l'article de Hervé Morin]
> Entente interdépartementale pour une démoustication du littoral méditerranéen
> Station biologique de la Tour du Valat
>Lire la nouvelle précédente : Des moustiques résistent au Bti (PESTInfos 09.12.05)
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