mardi 23 mai 2006

La microévolution du virus du Chikungunya

L'importante flambée épidémique de Chikungunya qui sévit dans l'océan Indien et plus particulièrement sur l'île de la Réunion depuis le début de l'année 2005 a surpris bon nombre de spécialistes. Pourtant réputé pour être faiblement virulent, le virus du Chikungunya a infecté près d'1/3 de la population de l'Île, soit environ 258 000 personnes (Institut de veille sanitaire, 18.05.06). Alors qu'à ce jour aucune forme grave ou mortalité associée à ce virus n'avait été décrite dans la littérature médicale, plusieurs formes neurologiques et hépatiques sévères, provoquant dans certains cas des décès, y ont été aussi confirmées. Il est malheureusement vrai que le Chikungunya, qui sévit essentiellement en Afrique, a été très peu étudié par la communauté scientifique internationale. Devant l'ampleur de l'épidémie actuelle, des équipes de virologues de l'institut Pasteur de Paris et de Lyon (centre national de référence des arbovirus) se sont enfin intéressées à ce mystérieux virus dont le principal vecteur à la Réunion est le moustique tigré asiatique (Aedes albopictus), et ont commencé à retracer son histoire et son évolution. Leurs premiers résultats sont publiés cette semaine dans la revue scientifique libre d'accès PLOS Medecine. Grâce au séquençage complet du génome (constitué d'ARN) de plusieurs souches virales isolées chez des patients infectés à la Réunion et aux Seychelles, Ils ont établit que les souches étaient apparentées à celles identifiées en Afrique où le virus a été isolé pour la première fois en 1952 en Tanzanie. D'autre part, ils ont aussi découvert des modifications de l'ARN viral au cours de l'épidémie qui suggèrent une évolution adaptative des souches virales réunionnaises. En particulier, le séquençage partiel de la protéine d'enveloppe virale E1 (une "signature moléculaire" du virus) chez 127 patients de la Réunion et des îles voisines (Madagascar, Seychelles, île Maurice, Mayotte) a montré que cette protéine, impliquée dans l'attachement du virus aux membranes cellulaires du moustique et dans sa multiplication, avait aussi mutée au cours de l'épidémie. Cette mutation est devenue prédominante au début de la flambée épidémique en septembre 2005, et pourrait être à l'origine d'une adaptation du virus au moustique A. albopictus, qui n'était pas connu jusque là pour en être un vecteur majeur. Selon les chercheurs, le Chikungunya pourrait donc se propager à d'autres régions du monde, en particulier aux Caraïbes, aux Amériques et en Europe, où le tigré asiatique est présent. (OP) ; Source : Institut Pasteur [Lire le communiqué] [Dossier de presse] ; Réf. : Isabelle Schuffenecker, Isabelle Iteman, Alain Michault, Séverine Murri, Lionel Frangeul, Marie-Christine Vaney, Rachel Lavenir, Nathalie Pardigon, Jean-Marc Reynes, François Pettinelli, Leon Biscornet, Laure Diancourt, Stéphanie Michel, Stéphane Duquerroy, Ghislaine Guigon, Marie-Pascale Frenkiel, Anne-Claire Bréhin, Nadège Cubito, Philippe Desprès, Frank Kunst, Félix A. Rey, Hervé Zeller, Sylvain Brisse, 2006. Genome Microevolution of Chikungunya Viruses Causing the Indian Ocean Outbreak. PLOS Medecine 3 (7), juillet 2006, édition électronique avancée [Lire l'article en anglais] [Lire le résumé de l'éditeur en anglais]
>Lire aussi : Le chikungunya suivi à la trace grâce à son génome (LeMonde.fr, 23.05.06) et L'Institut Pasteur souligne le risque de propagation du virus du chikungunya (LeMonde.fr, 23.05.06)
> Dossier Chikungunya (PESTInfos)

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