lundi 13 mars 2006

Chikungunya : la démoustication gouvernementale serait elle inefficace ?

Alors que l'épidémie de Chikungunya qui sévit depuis plus d'un an à la Réunion a passé la semaine dernière le cap des 200 000 cas et qu'elle semble s'étendre dans plusieurs archipels de l'océan indien (Maurice, Mayotte, Comores, Seychelles), les opérations d'éradication du moustique tigré Aedes albopictus, son principal vecteur, ne font pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique. Dans un entretien qu'il a accordé à l'agence de presse Destination Santé, René Le Berre, entomologiste et fondateur de l'école française d'entomologie médicale de l'Institut de recherche en développement (IRD), dénonce les politiques "cosmétiques" de distribution de répulsifs anti-moustiques et soutient que les opérations de démoustication actuelles, lancées dans la précipitation par les autorités, sont vouées à l'échec. Dans un climat chaud et humide comme celui de la Réunion, les répulsifs sont en effet rapidement inefficaces. D'autre part, le "déluge d'insecticides chimiques", dont certains sont nocifs pour la santé et l'environnement (>Voir PESTInfos 27.02.06), ne peuvent parvenir à éradiquer complètement les moustiques adultes qui sont très résistants et qui par ailleurs restent très agressifs même lorsque leur densité de population est faible. L'entomologiste affirme même que les moustiques tigres sont contaminés par le virus du Chikungunya sur 5 générations ! Il existe pourtant d'autres solutions comme l'identification et la destruction des gîtes larvaires d'origine anthropique susceptibles de recueillir de l'eau (vieux pneus, canettes et bouteilles vides, récipients abandonnées, bâches de piscines, vases des cimetières, etc.) et que la femelle du Tigre asiatique affectionne particulièrement. A. albopictus qui s'est répandu depuis l'Asie jusqu'en Europe et en Amérique du Nord, suit en effet les déplacements de l'homme et s'adapte parfaitement bien aux gîtes que celui-ci lui procure en particulier les vieux pneus. La femelle albopictus est capable d'y déposer 3 à 4 pontes d'une centaine oeufs chacun au cours de sa courte existence (3 à 4 semaines maximum). À chaque ponte, elle doit nécessairement se nourrir d'un apport protéique en prélevant un "repas de sang" chez un animal à sang chaud. L'élimination de ces gîtes larvaires et leur traitement ciblé et répété au moyen de larvicides biologiques spécifiques comme le Bti (i.e. Bacillus thuringiensis variété israelensis) devrait cependant permettre de diminuer la densité de population des moustiques vecteurs et de réduire les risques de transmission à l'homme. Cependant, ce spécialiste qui a oeuvré pendant près de 15 ans dans la lutte contre l'Onchocercose en Afrique de l'Ouest, prévient que la lutte antivectorielle sera longue et qu'elle doit intégrer de nouvelles connaissances sur la biologie de ce moustique, qui peut aussi véhiculer la fièvre de Dengue, et de son écologie sur le terrain. L'implication des communautés et des populations locales dans la lutte antivectorielle sera aussi une composante essentielle à son succès. (OP)
> Chikungunya : le moustique a de l'avance (Destination santé, 13.03.06)
> Chikungunya : la démoustication serait inutile ? (Notre-planète.info, 10.03.06)
> La démoustication à la Réunion mise en cause (Destination Santé - 01.03.06) : vous pouvez y écouter l'interview de René Le Berre (format Quick Time Player)
> Le moustique Aedes albopictus: un étonnant voyageur qui circule en pneus (AFP, 28.03.06)
À propos de l'épidémie de Chikungunya :
> Infection par le virus Chikungunya à l’Ile de la Réunion. Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire n°hors série (31 janvier 2006) : document PDF à télécharger sur le site de l'Institut de veille sanitaire
> Chikungunya : le retour des arboviroses ? (Science Actualités 03.03.06)

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